Le Grand Paradis : objectif 3/7 réalisé !
Je l’ai fait ! Mon premier 4000 ! Et comment … C’est une belle épopée que je m’apprête à vous raconter et je vais tenter de vous donner toutes les clés pour que vous puissiez vivre la même. En vue de l’ascension du Mont Blanc, je me suis dit qu’il serait judicieux de s’acclimater et donc pour faire d’une pierre deux coups j’ai choisi un 4000 sur ma liste !
Le Grand Paradis est une course réputée pour être un des 4000 les plus faciles. Il se fait en deux jours, 800 m de dénivelé le premier jour et 1300 le second. C’est une course F (cotation alpinisme) et 2.3 en cotation ski. C’est-à-dire que la partie alpinisme est côté « Facile » et que pour la descente vous n’aurez pas de pente au dessus de 35°. C’est pour cette raison que nous avons décidé de nous attaquer à ce beau sommet. Mais pour qu’il ne soit pas trop facile non plus nous avons décidé de le faire … à la journée. Une fenêtre météo s’ouvrait uniquement sur un jour et ne nous laissais donc pas le choix : nous devions parvenir au sommet en un seul jour.
Comme vous vous en doutez cela change radicalement la donne. En haute montagne le temps (la météo) et le temps (la durée) sont des éléments cruciaux et ne doivent pas être pris à la légère. 2100 m de dénivelé à ski avec mes fixations Diamir qui sont des vraies enclumes comparées aux fixations « Low Tech » ou « à insert », ce n’est pas une mince affaire ! C’était le plus gros dénivelé que nous avions jamais réalisé avec mon compagnon de cordée. A cela s’ajoute l’altitude. 2100 m de dénivelé c’est bien … à 4000 m d’altitude, ça devient challenge !
Nous voilà donc parti le vendredi soir en route pour Pont, petite bourgade de la vallée de Valsavarenche en Italie. Nous arrivons à 21h30, juste le temps de planter la tente sur le parking, boire un thé et manger 3 sardines. Et tout le monde au lit !
Grand Paradis : Compte rendu
L’approche jusqu’au refuge
Après une nuit bien reposante froide et interminable nous nous levons à 5h du matin pour partir avant le levé du jour. Nous hésitons à prendre les couteaux (sorte de crampons pour les skis, voir définition ici) car chaque gramme gagné est important pour cette grosse sortie. Mon compagnon me convainc de ne pas les prendre. Il m’aura fallu une heure pour rapidement regretter ma décision.
Eh oui, après une nuit claire, le regel est favorisé et mes peaux n’accrochent plus sur la neige gelée. En plus, je me vois obligé de porter mes skis plus d’une fois à cause du faible enneigement au début de la course. Déchausser. Rechausser. Glisser sur la glace. Je me fatigue beaucoup plus qu’en temps normal car je n’accroche pas bien. Cela aura été une bonne leçon pour les sorties suivantes : toujours avoir les couteaux dans le sac !
Puis après avoir joué au bûcheron dans les buissons, nous arrivons enfin au refuge Vittorio Emanuele II. Une étape dans la voie normale du Grand Paradis puisque c’est là que vous êtes censé dormir si vous le faites en deux jours !
Le doute
La marche jusqu’au refuge Vittorio Emanuele II s’est faite sans trop de problèmes. Les 900 m de dénivelés sont passés rapidement et nous marchons d’un bon pas. Il ne nous reste « plus que » 1300 m pour atteindre le Grand Paradis.
Nous entamons donc la pente un peu plus raide. Le temps passe vite. Un peu trop vite d’ailleurs. Le soleil est déjà haut dans le ciel quand nous prenons pied sur le glacier. L’encordement n’est pas nécessaire car le glacier est bien bouché et les traces sont nombreuses. Pas de crevasses visibles, nous décidons donc de poursuivre sans corde.
Nous commençons à sentir les effet de l’altitude, nous sommes déjà à 3500 m. Notre respiration est plus courte. Nos pas plus lourds. Nous doutons de pouvoir parvenir au sommet dans un délai raisonnable.
On fait le point. Puis on décide d’aller encore un peu plus loin. « Juste après ce replat ». Puis, soudain le sommet nous apparaît. Si loin et si proche en même temps… Il est déjà 11h30. Nous sommes les derniers. En même temps nous sommes les seuls glands à faire 2100 m de déniv à la journée… Sur un glacier la descente doit se faire tôt car les ponts de neige qui couvrent les crevassent réchauffent l’après-midi et se fragilisent, rendant la descente périeuse et imprévisible.
La dernière ligne droite
Il faut prendre une décision. Allez on continue jusqu’à 12h30 et on voit où ça nous mène ! Nous continuons donc péniblement notre ascension. A partir d’un certain degré d’effort, le cerveau passe en mode pilote automatique et le corps prend le relais. Je me forçais donc à maintenir un rythme régulier et ma respiration était calée sur mes pas. Je ne pensais plus. Mon endurance était tellement mise à l’épreuve que la seule chose sur laquelle je focalisais mon attention était ma respiration.
Méditant un peu à mes heures perdues, je choisis alors de tenter une expérience. Je me mis à compter mes respirations comme on l’apprend au néophyte en méditation. Et à ma grande surprise, lorsque je relevai les yeux pour voir si nous étions loin du sommet, je l’aperçus tout proche ! Nous avions même rattrapé les derniers skieurs qui étaient partis du refuge le matin même ! Compter mes respirations avait décuplé mon endurance ! Je m’étais concentré sur autre chose que ma fatigue et mon pas était régulier et assuré. Nous allions l’avoir ce Grand Paradis !
Le sommet
Nous arrivons donc à l’antécime (ie le sommet avant le sommet 😉 ). Nous posons les skis et nous sentons déjà le goût de la victoire dans notre bouche. Il ne nous restais que quelques mètres d’alpinisme facile pour cocher notre premier 4000 ! Malheureusement le brouillard s’invite. Il vient caresser les rochers et déposer quelques cristaux de glaces dans nos cheveux. Nous n’aurons pas la vue ! Nous sortons tout de même la corde pour assurer un passage un peu exposé (chute interdite). Et tel Armstrong, nous posons notre pied victorieux sur le sommet. Un petit pas pour l’humanité mais un grand pas pour Thomas et Alex !
Bilan pratique
Conditions et équipements
La voie normale du Grand Paradis (dont vous pouvez trouver le topo ici), est une course facile en ski de rando et en alpinisme. Elle peut se faire en hiver mais la période idéale semble être mai pour le ski de randonnée et juillet (selon les conditions) pour l’alpinisme. En raison du réchauffement climatique, ces périodes peuvent varier et il faudra analyser les conditions plus que se fier à une période préétablie.
Le ski ne pose aucun problème particulier à la montée car la pente n’excède pas 35° ni à la descente pour la même raison. Le seul point de vigilance est le glacier qui peut être crevassé et donc attention où vous mettez les pieds !
La partie alpinisme est « Facile » surtout car elle consiste en une arête de 20 m de long protégeable par des spits en place. L’arête peut être un peu impressionnante car il y a « du gaz » (ie : du vide). Cependant le fait qu’elle soit facilement protégeable rend la progression sans grande difficulté. Par contre vous devrez porter une corde… Privilégiez donc une petite corde de randonnée glacière (30m suffisent).
Si vous faites la course à la journée, partez tôt ! Selon votre endurance 2100 m de dénivelé peuvent peut-être ne pas vous faire peur mais du fait de l’altitude vous serez fortement ralenti. Si vous le faites à pied, partez encore plus tôt car la descente sera longue ! Je vous recommande donc de faire des courses un peu moins longues pour tester votre endurance.
Il y a souvent du monde donc prévoyez d’arriver suffisamment tôt au refuge et ne vous imaginez pas être seul (sauf peut être en pleine semaine). L’avantage est que la trace sera surement faite et que vous ne risquez pas de vous perdre si vous n’êtes pas trop en retard (pas comme nous).
Technique
Ski : Maîtriser bien évidemment les conversions. Avoir un niveau correct en ski (2.3 en cotation ski) c’est à dire savoir descendre une piste noire.
Niveau d’escalade : Quasiment nul, il faut surtout savoir mettre un pied devant l’autre et ne pas être trop impressionné par le vide. Par sécurité prévoyez un niveau 5A en escalade.
Assurage et protection : Il faut savoir poser éventuellement un becquet mais les spits en place permettent facilement d’y glisser deux ou trois mousquetons pour vous assurer. Même si l’escalade n’est pas difficile, l’arête est vertigineuse et les points d’assurages sont rassurants.
Maîtriser la progression sur glacier : Savoir s’encorder si vous le faites en été et que le glacier est très ouvert. Savoir réaliser un mouflage, marcher en crampons et détecter les crevasses.
Acclimatation : Malgré la facilité de ce sommet, c’est un 4000 ! Il est donc plus prudent de faire quelques courses au dessus de 3500 m d’altitude pour voir comment votre corps réagit. Le mal aigu des montagnes (ou MAM) peut arriver à n’importe qui et est parfois imprévisible. Soyez donc prudent et prenez des dolipranes dans votre sac au cas où !
Conclusion
Le Grand Paradis est un très bon premier 4000 ! Il est vraiment abordable et avec un minimum de préparation vous y arriverez sans problème en deux jours. En un jour c’est un joli défi, à vous de voir si vous souhaitez le relever 😉 ! Le principal inconvénient de ce sommet est qu’il est loin ! Allez-y donc préparés pour éviter de revenir déçu.
Il a constitué pour moi une très bonne acclimatation et un bon entraînement (en terme de dénivelé) pour le Mont Blanc. Et puis un premier 4000 ça ne s’oublie pas …
Sources :
https://www.camptocamp.org/routes/53835/fr/grand-paradis-par-le-glacier-du-grand-paradis-voie-normale-
https://www.camptocamp.org/waypoints/104187/fr/refuge-vittorio-emanuele-ii
http://www.skitour.fr/topos/grand-paradis,365.html
Crédit Photo entête : Timothee Nalet
Thomas Minot
Auteur et créateur du blog que vous êtes en train de lire et de la chaîne Youtube du même nom, je vous fait partager mon expérience à travers articles, vidéos et photos. J’ai créé ici ce que j’aurais aimé avoir quand j’ai débuté l’alpinisme. Passionné par tout ce qui touche à la montagne, je parcoure celle-ci piolets à la main, ski au pied et parfois même sous mon parapente.
2 réflexions sur « Le Grand Paradis : objectif 3/7 réalisé ! »
le sommet est en fait plus loin, 50m en face après l’autre brèche, pas à la vierge, mais 90% des gens ne le savent pas… il faudra revenir !
haha oui en effet ! A 3 mètres près on y est pas !