Comment être en sécurité sur un glacier en alpinisme ?
Vous rêvez de marcher en crampons sur un glacier et d’enjamber des crevasses pour rejoindre des sommets à plus de 3 000 mètres ? La haute montagne et l’alpinisme vous attirent mais vous savez que les glaciers sont un des éléments incontournables pour atteindre votre objectif ? En effet, le glacier est une limite symbolique… Il représente une frontière entre l’alpinisme et la randonnée.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’initiation à l’alpinisme débute par les randonnées glaciaires et les courses de neige. Apprendre à marcher en sécurité sur un glacier est un passage obligé pour devenir alpiniste et goûter au plaisir de côtoyer les neiges éternelles au lever du jour.
Dans cet article, vous apprendrez :
- que, contrairement aux idées reçues, les crevasses ne sont pas le plus grand danger sur glacier ;
- les 3 risques à connaître pour évoluer en sécurité sur un glacier ;
- ce qui différencie un glacier ouvert d’un glacier bouché et ce que ça change pour vous ;
- les compétences à maîtriser pour faire sa première course « en neige » en toute sécurité.
Sérac, rimaye, crevasse… Pour vous aider à comprendre les éléments cités dans cet article, je vous conseille de vous référer au lexique disponible ici.
Quels sont les risques quand on marche sur un glacier ?
Le principal danger sur un glacier : c’est vous !
Voilà une première idée reçue à déconstruire… Les chutes en crevasse sont finalement plutôt rares. Sur un glacier, le principal danger, ce n’est donc ni les crevasses ni les séracs mais c’est vous ! Pourquoi vous ? Car le principal risque est celui de glisser.
Sur une arête rocheuse, on peut mettre des protections (des points ou ancrages pour s’arrêter en cas de chute) entre le leader et le second de cordée, mais ce n’est pas possible sur un glacier. En cas de glissade, il faut donc arriver à s’arrêter soi-même grâce à son piolet. Or, si vous n’arrivez pas vous arrêter, vous pouvez terminer votre course dans une crevasse ou un précipice.
Une glissade sur un glacier peut avoir plusieurs origines :
- un mauvais cramponnage, c’est-à-dire une mauvaise manière de marcher avec vos crampons, ce qui vous rend instable ;
- des crampons qui bottent, c’est-à-dire qui accumulent de la neige sous le pied et empêchent de mordre le sol comme il faut (quand on voit que de la neige s’accumule sous le crampon, il faut alors taper sur le côté du pied avec le manche de son piolet pour retirer la neige) ;
- un « auto-cramponnage », c’est-à-dire se mettre un coup de crampon dans le pantalon ou, pire, dans le mollet ; cela peut arriver par manque de vigilance ou lorsque la fatigue s’installe.
La première chose à retenir est : cramponner correctement est plus important que savoir faire un mouflage pour sortir d’une crevasse. Apprendre à cramponner, c’est prendre le problème à sa source plutôt que d’essayer de traiter un symptôme. Plus vous êtes à l’aise pour marcher avec des crampons, plus vous serez en sécurité sur un glacier.
Or, prendre des mauvaises habitudes de cramponnage peut aller vite. J’ai personnellement tendance à croiser mes pieds quand je marche au lieu de garder mes pieds sur deux lignes bien séparées. Petit à petit, je modifie cette façon de marcher, mais les habitudes ont la vie dure… Si c’est aussi votre cas ou si vous découvrez le cramponnage, voici quelques conseils en vidéo pour marcher correctement avec des crampons.
Savoir lire le glacier pour éviter les crevasses
Un glacier est une masse de glace formée par le tassement de la neige accumulée. Un fil de l’hiver de la neige s’accumule et cette dernière fond petit à petit jusqu’à la fin de l’été.
- Un glacier est dit « humide » quand il est recouvert de neige. Cette neige forme alors des ponts de neige au-dessus des crevasses. On peut aussi dire que le glacier est « bouché », c’est le cas en hiver et au printemps. Ces ponts de neige (quand ils sont épais et solides) permettent de passer au-dessus des crevasses. Lorsque la neige fond, il y a alors un risque de passer au travers du pont de neige. C’est une des raisons pour lesquelles on se lève tôt pour aller sur glacier, quand les ponts de neige sont encore durs sous l’effet du regel nocturne. Attention le terme « bouché » ne veut pas dire que les crevasses sont réellement bouchées. En fait un glacier est dit « bouché » lorsque les ponts de neige sont suffisamment solides pour qu’il n’y ait pas (ou peu) de risque.
- Un glacier est dit « sec » quand la neige a fondu et qu’on peut voir la glace. Les crevasses sont alors bien visibles. On peut aussi dire que le glacier est « ouvert », c’est le cas à partir du milieu de l’été. Il est alors plus facile d’identifier les crevasses, mais cela peut aussi allonger la durée de marche pour les contourner.
Le second paramètre à prendre en compte est la taille des crevasses, cela dépend des pentes présentes sous le glacier. Ainsi, en fonction de la forme du sol sur lequel repose la glace, le glacier sera plus ou moins crevassé. Tous les glaciers ne représentent donc pas le même danger car certains sont plus crevassés que d’autres :
- un glacier est dit « tourmenté » quand il présente de nombreuses crevasses et/ou des crevasses de grande taille ;
- un glacier est dit « calme » quand il est composé de peu et/ou de petites crevasses.
Résumons les 2 paramètres à prendre en compte :
Glacier ouvert | Glacier bouché | |
Glacier tourmenté | Les crevasses sont bien visibles mais difficiles à passer, car elles sont grandes et il faut alors les contourner. | Le principal risque est de passer à travers les ponts de neige s’ils sont trop fins ou si la neige est trop molle. Attention donc à l’horaire et aux conditions de la saison. |
Glacier calme | Le risque est très faible car les crevasses sont visibles et petites. | Les ponts de neige recouvrent des crevasses de petite taille. Il faut être vigilant sur l’horaire pour ne pas être sur le glacier quand la neige est molle. Le risque reste donc facile à maîtriser. |
Vous savez maintenant un peu plus précisément ce qui se cache derrière le risque de chute en crevasse. Pour aller encore plus loin et apprendre à bien voir les crevasses sur un glacier, nous vous conseillons la lecture de cet article : 5 MANIÈRES DE DÉTECTER UNE CREVASSE SUR UN GLACIER.
Le 3e risque à connaître pour aller sur un glacier
Le topoguide de la course que vous envisagez peut également préciser la présence de séracs qu’il faut contourner ou sous lesquels on doit rapidement passer. La chute d’un sérac constitue le 3e risque à connaître pour évoluer sur glacier.
Il n’existe pas de manière fiable de savoir quand un sérac va se décrocher. Cela rentre donc dans les risques objectifs, mais sachez que de nombreuses courses adaptées aux débutants présentent un risque faible ou nul de chute de séracs.
Ce que vous devez apprendre pour faire votre première randonnée glaciaire en autonomie
L’école de neige
L’école de neige est le passage obligé de tous les alpinistes débutants qui veulent apprendre à évoluer en sécurité sur un glacier. À travers des exercices ludiques, vous apprendrez petit à petit à :
- prendre confiance en vos crampons, l’incontournable « apprendre à cramponner correctement » de la première partie de cet article ;
- utiliser votre piolet pour avancer en sécurité ou pour vous arrêter en cas de chute ;
- apprendre à faire un corps-mort pour s’ancrer dans la neige ;
- vous encorder correctement, en laissant environ 15 à 20 mètres de longueur entre les 2 membres de la cordée grâce aux anneaux de buste et en faisant si nécessaire des nœuds de papillon (servant de noeud de freinage en cas de chute en crevasse) tous les 2 mètres sur la corde. Un article détaillé reprend cette question de l’encordement sur glacier.
Enfin, souvenez-vous que la progression sur glacier se fait en corde tendue. Si un membre de la cordée chute alors que la corde est détendue, il va prendre beaucoup de vitesse et entraînera son coéquipier avec lui.
En ce qui concerne l’équipement propre à la randonnée glaciaire ou aux courses en neige, il vous faudra :
- les incontournables baudrier, casque, corde, crampon, piolet ;
- un mousqueton unidirectionnel ;
- une broche à glace sur un mousqueton simple ou une dégaine ;
- un kit de secours en crevasse : une micro traction et son mousqueton à vis, une sangle de 120 cm et son mousqueton à vis, un autobloquant mécanique (tibloc ou ropeman) et son mousqueton, une poulie et son mousqueton à vis.
Le cas particulier du mouflage.
C’est un sujet qui fait débat : faut-il dès l’école de neige apprendre le mouflage ? Cette technique sert à sortir quelqu’un tombé dans une crevasse. Certains guides considèrent désormais qu’il y a bien d’autres choses à apprendre avant d’apprendre le mouflage et ne l’enseignent donc pas forcément aux débutants. C’est une question de priorité, retenez :
- qu’il est plus important d’apprendre à ne pas tomber dans une crevasse plutôt que d’apprendre à en sortir ;
- qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser un mouflage si vous êtes plusieurs pour sortir 1 seule personne d’une crevasse ;
- que la taille idéale d’une cordée de débutants sur glacier est de 3 à 5 personnes, car plus il y a de personnes sur la corde, moins le risque d’être emporté en cas de chute dans une crevasse est élevé. Mais même ce sujet fait débat. Si cependant vous choisissez de faire deux cordées de 2 ou une cordée de 3 et une de 2 alors il y a de très faibles chances pour que les deux cordées tombent en même temps dans la crevasse.
Lorsque vous êtes débutant en alpinisme, vous ne pouvez pas tout apprendre en même temps. Dès que vous aurez intégré les bases pour évoluer en sécurité sur glacier, il sera judicieux d’apprendre le mouflage.
Où faire votre école de neige ? Deux options s’offrent à vous :
- pendant un Grand Parcours Alpinisme organisé par la FFCAM comme celui de Chamonix dans les Alpes ou celui de Gourette dans les Pyrénées ;
- pendant un stage dédié aux débutants en alpinisme.
Choisir le bon moment
Comme nous avons commencé à l’expliquer dans la partie 1, votre sécurité sur glacier dépend de la température et des quantités de neige. Ces deux variables dépendent de la saison et du moment de la journée :
- à la fin de l’hiver, les crevasses sont recouvertes par des ponts de neige qui s’amincissent à l’approche de l’été, pour complètement disparaître au milieu de l’été.
- au petit matin, la neige est plus froide, ce qui permet à vos crampons de bien mordre la neige. En milieu de journée, la neige a ramolli et il est alors dangereux d’être sur un glacier.
Ces deux facteurs – période de l’année et moment de la journée – sont essentiels dans votre préparation de course. Ils vous permettent notamment de choisir votre horaire de départ du refuge ! Le gardien du refuge vous aidera dans le choix de cet horaire, car il suit de près l’évolution des conditions sur les glaciers.
Les saisons se suivent mais ne se ressemblent pas… La neige accumulée en hiver fond parfois beaucoup plus tôt que prévu.
Les vagues de chaleur que nous connaissons de plus en plus régulièrement dans les Alpes ne sont pas sans conséquences sur le renouvellement des glaciers. Le recul de l’emblématique Mer de Glace dans le massif du Mont-Blanc n’est qu’un des exemples de la fonte des glaciers… Selon une étude, publiée en avril 2019, de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), près de 50 % des sites du patrimoine mondial pourraient perdre leurs glaciers d’ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel. Le récent effondrement du glacier de la Marmolada nous rappelle avec acuité que les risques en haute montagne iront de pair avec l’élévation des températures. Ne vous dites surtout pas : « on est au mois de juin, c’est en condition », appelez le gardien du refuge pour savoir si votre objectif est bien réalisable.
Choisir le bon itinéraire
Si vous devez retenir une seule chose, c’est que votre trajectoire doit être perpendiculaire aux crevasses. Cela évitera que tous les membres de la cordée se retrouvent au-dessus de la même crevasse au même moment.
Enfin, en ce qui concerne votre itinéraire pour être en sécurité sur un glacier, retenez que :
- sur les itinéraires fréquentés, des traces bien visibles pourront vous aider à choisir le bon chemin ;
- le gardien du refuge pourra vous conseiller sur les subtilités de l’itinéraire en fonction des conditions du moment. Exemple : contourner par la gauche la crevasse située juste sous la brèche du Râteau.
Vous avez fait votre école de neige et vous vous sentez suffisamment à l’aise pour faire votre première randonnée glaciaire en autonomie ? Il vous faut alors trouver le sommet qui correspond à votre niveau ! Retrouvez pour cela notre sélection de courses en neige adaptées aux débutants.
Auteur : Emilie Lechevalier
Néo-montagnarde, je me suis installée en Savoie en 2017 et j’y ai découvert l’alpinisme et le ski de randonnée.
Depuis, j’aime les cordées qui respectent les temps du topo, le gling-gling du matos qui pend au baudrier au départ d’une voie, les cordes lovées avec amour et les peaux de phoque qui collent juste ce qu’il faut…
Parmi mes plus beaux souvenirs de montagne, il y a : d’interminables bambées dans les Écrins, des grandes voies au-dessus de la mer à l’automne et de trop courtes journées de peuf entre copains.
Mais il y a aussi toutes ces heures passées à préparer des courses, à réviser des manips de corde dans mon salon et à discuter de la complexité du facteur humain.
C’est pourquoi, une fois le piolet rangé : le stylo prend le relais, pour partager des récits de voyage à la verticale mais aussi des conseils pour progresser.
C’est ainsi que je suis devenue rédactrice spécialisée dans les sports de montagne et auteure du Carnet Montagne.
Retrouvez mes courses en montagne sur le compte Instagram @lesdirtbags
Et pour aller plus loin, c’est par ici : https://emilie-lechevalier.fr/