Comment progresser en alpinisme (quand on est parisien) ?
Tu écoutes le podcast « Les Baladeurs » en faisant tes courses au Monoprix en bas de chez toi ? Tu bouquines Sylvain Tesson ou Lionel Terray dans le métro le matin ? Tu aimerais être à la place de la personne reconnaissable à ses skis glissés dans une housse Au Vieux Campeur ou à sa corde lovée sur le sac en direction de la gare de Lyon ? Alors, il y a de fortes chances pour que tu sois à la fois parisien et passionné de montagne.
Avant de m’installer à Chambéry en 2017, je vivais à Paris. J’ai donc connu : les bus de nuit pour aller à Grenoble sur un week-end, les séances de bloc à Fontainebleau pour toucher du vrai caillou, les séances de fractionnés sur sentiers à Vincennes pour espérer ne pas trop en baver une fois en montagne…
Eh oui… Il arrive que son lieu de vie ne coïncide pas franchement avec ses loisirs. Mais on peut quand même vivre à Paris et progresser en alpinisme ! Lorsque tu prends la ligne 13 le matin, par exemple, c’est une excellente mise en situation pour affronter la foule des bennes de l’aiguille du Midi à Chamonix… 🙂
Alors, en attendant de pouvoir déménager et te rapprocher des montagnes, voici quelques conseils pour te former à l’alpinisme à Paris, suivis de quelques exemples des courses d’alpinisme les plus proches de Paris.
Se préparer physiquement à une course d’alpinisme à Paris
Savoir grimper (longtemps, avec un sac et en chaussures d’alpinisme)
L’escalade est la brique de base de l’alpinisme. En pratiquant régulièrement l’escalade en salle, tu pourras :
- apprendre à grimper en poussant sur les jambes et pas en tirant sur les bras comme le font tous les débutants ;
- savoir faire un transfert de poids et te placer correctement pour économiser ton énergie ;
- apprendre à optimiser le placement des mains sur différentes formes de prise ;
- clipper des dégaines à une main (à gauche et à droite) ;
- savoir faire un nœud de huit les yeux fermés (si tu fais de la voie et pas du bloc) ;
- « déranger ta verticalité » (en d’autres termes t’habituer à ne plus avoir les 2 pieds sur le sol).
La grimpe est, de toute évidence, la première étape vers les sommets. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la formation Grimpe à Vue, qui permet de booster sa progression en escalade, est incluse dans l’achat de la formation Devenez Autonome en Haute Montagne.
Adapter ses séances d’escalade pour l’alpinisme
Malheureusement, tu peux pratiquer l’escalade en salle pendant des années et te retrouver toujours aussi démuni une fois en haute montagne. Ce sont deux univers bien différents. Ainsi, pour que tes entraînements à la salle d’escalade t’apportent un maximum de valeur à tes projets d’alpinisme, force-toi à :
- grimper en tête pour ne pas t’habituer à être pendu dans ton baudrier, car en montagne tu seras parfois en corde tendue ou en tête ;
- bosser la « conti » en enchaînant plusieurs voies faciles mais sans faire de pause, car en montagne les voies ne font pas 15 mètres ;
- grimper avec un sac d’alpi d’environ 5 kg pour te familiariser avec le déplacement de ton centre de gravité.
En complément de tes séances d’escalade, je te conseille le livre Yoga For Climbers. Ce livre propose des séances de yoga qui te permettront d’améliorer ta souplesse, ton renforcement musculaire et ta proprioception. C’est un excellent complément à tes séances d’escalade, et un moyen efficace de booster ta progression.
La grimpe en « grosses »
Les grosses, dans le jargon, ce sont les chaussures d’alpinisme cramponnables. Tu l’as peut-être déjà expérimenté, on peut être à l’aise dans le 6 en salle avec des chaussons d’escalade aux pieds et ne pas être capable de faire du 3 avec des chaussures d’alpinisme.
C’est simple : les grosses changent complètement ta façon de grimper. Avec des chaussures d’alpinisme, par exemple, on peut facilement coincer son pied sans des failles ou des trous, alors qu’en chaussons d’escalade, on utilisera plutôt un pas d’adhérence. Pour t’habituer, va grimper à Fontainebleau dans des itinéraires faciles avec des chaussures d’alpinisme aux pieds (et puis, ça t’évitera d’aller en montagne avec des chaussures neuves et très peu portées).
Être en forme
L’alpinisme est une discipline qui demande d’être endurant et capable de parcourir du dénivelé. Ça s’annonce mal parti si tu arrives cramé au départ de la voie parce que tu manques de forme physique pour faire la marche d’approche sereinement. C’est pour cette raison que Thomas a demandé à un coach sportif de concevoir un programme d’entraînement pour les élèves de la formation Devenez Autonome en Haute Montagne.
Comme souvent, les deux éléments à travailler sont :
- le cardio, en faisant du fractionné ou des montées de côte à Montmartre ;
- l’endurance, en faisant de la course à pied ou du vélo.
Enfin, habitue-toi à marcher longtemps avec un sac à dos chargé. Pour cela, je te renvoie au site du magazine Les Others qui a identifié 11 randonnées situées à moins de 2 heures de Paris. C’est donc faisable, à la journée !
Tous ces gestes et connaissances que tu peux apprendre chez toi…
Passons maintenant à l’aspect technique. Il y a un grand nombre de choses que tu peux apprendre à faire chez toi depuis Paris et à mettre en pratique une fois sur le terrain.
Voici 5 incontournables pour gagner en aisance en montagne.
- Savoir faire des anneaux de buste et être capable de rallonger ou raccourcir l’encordement en quelques secondes.
- Savoir s’installer sur un rappel avec sa longe et son nœud autobloquant.
- Connaître ses nœuds de base : cabestan, demi-cabestan, nœud de huit, tête d’alouette, marchard, prussik et soyons fou : le nœud de chaise !
- Savoir installer un relais.
- Lover et délover des cordes sans jamais les jeter au sol (l’erreur de tous les débutants) !
Plus ces gestes sont automatiques pour toi, plus tu économiseras de l’énergie mentale sur ta course d’alpinisme. Il faut donc apprendre ces gestes de base, mais aussi les réviser juste avant une sortie d’alpinisme. Si tu ne vas pas régulièrement en montagne, tu risques de les oublier.
En plus des gestes de base de l’alpiniste, entre deux sorties en montagne ou avant ta toute première sortie en autonomie, il est important d’enrichir ta « boîte à outils de montagnard » : le vocabulaire spécifique, les étapes de la préparation de course, la compréhension des risques, les techniques de progression, la lecture d’un glacier…
Je sais que nombreux sont les élèves de la formation Devenez Autonome en Haute Montagne qui aiment :
- réviser les gestes de base avec les modules dédiés, ça leur permet d’avoir une piqûre de rappel juste avant une course d’alpinisme ;
- consolider leurs connaissances, pour étoffer leur boîte à outils et leur capacité à prendre les bonnes décisions en montagne.
Quelles courses d’alpinisme faire depuis Paris ?
Courses d’alpinisme sur un week-end depuis Paris
Alpinisme facile à Grenoble pour un week-end
En prenant un train direct, il faut compter 3 heures de trajet pour relier Paris à Grenoble. Ça peut donc se faire le vendredi soir en sortant du boulot. Ensuite, depuis Grenoble, de nombreuses lignes de bus desservent les massifs à proximité : Oisans, Belledonne, Vercors, Chartreuse… Pour connaître les différentes lignes de TER et de bus autour de Grenoble, consulte le site OURA.
Pour l’alpinisme estival depuis Grenoble, tu peux prendre :
– Le TER jusqu’à la Gare de Brignoud, puis le bus jusqu’à Pabert pour aller faire le pic du Pin dans le massif de Belledonne. C’est une course sans difficulté, mais qui demande de maîtriser l’assurage en mouvement et les manips de rappel ;
– Le TER jusqu’à la gare de Clelles, puis le bus jusqu’à Richardière pour faire le mont Aiguille. De nombreuses voies d’accès sont possibles en fonction de ton niveau de grimpe. Tu grimperas alors le sommet qui a donné naissance à l’alpinisme !
– Le Bus jusqu’à Saint-Christophe-en-Oisan, puis être pris en stop par des alpinistes qui montent vers la Bérarde, et aller faire :
- le pic Coolidge en juin depuis le refuge de Temple Écrin ;
- l’arête des Papillons ou la tête des Fétoules en juillet depuis le refuge de la Lavey ;
- la Dibona, les aiguilles centrale ou occidentale du Soreiller en septembre au départ du refuge du Soreiller.
En ce qui concerne l’alpinisme hivernal depuis Grenoble, tu peux prendre le bus jusqu’à Villard-de-Lans pour aller faire les goulottes du Gerbier ou prendre le bus jusqu’à Chamrousse pour aller faire les goulottes de Casserousse. Ces deux secteurs parfaits pour l’initiation à la goulotte sont détaillés dans cet article.
Grimpe dans les calanques au printemps et à l’automne
Les trains directs mettent un peu plus de 3 heures pour rejoindre Marseille depuis Paris. Une fois à Marseille, il faut prendre un TER pour Cassis (20 min). Depuis Cassis, tu peux rejoindre l’auberge de la Fontasse (accessible uniquement à pied) en 1 h 30. C’est l’hébergement le plus près des falaises. Si tu y passes le week-end, tu peux ensuite facilement rejoindre à pied les voies d’escalade des calanques d’En-Vau, de Port-Miou ou de Castelvieil. Une fois familiarisé avec le rocher des calanques, tu peux, par exemple, choisir des courses faciles peu équipées pour t’entraîner à la pose de points en prévision de tes courses d’alpinisme de cet été.
Listes des voies : https://www.camptocamp.org/waypoints?bbox=610882,5341814,614586,5345414
Faire une semaine d’alpinisme pour progresser
Camp de base à Ailefroide
Ailefroide est un excellent camp de base pour faire une semaine d’alpinisme. Depuis Paris, il faut prendre un train jusqu’à Argentière-la-Bessée puis un bus jusqu’au camping d’Ailefroide. Une fois au camping d’Ailefroide, tu peux y installer ta tente pour la semaine et y réaliser de nombreuses courses d’alpinisme :
- des courses d’initiation comme Roche Faurio, le pic du glacier d’Arsine, la pointe Louise…
- des courses pour alpinistes un peu plus débrouillés comme Les Cinéastes, Le Pelvoux, la barre des Écrins…
Ailefroide offre également de nombreuses possibilités de grimpe : couenne, grande voie, équipées ou TA…
Listes des voies : https://www.auvieuxcampeur.fr/massif-des-ecrins.html
Camp de base à Chamonix
Si les lieux touristiques ne t’effraient pas, tu peux aussi faire un camp de base à Chamonix. Traversée des aiguilles du Tour (Voie Normale), aiguille du Tacul, pointe Isabelle ou encore aiguille du Moine (Voie Normale)… Ces très belles courses cotées F (Facile) ou PD (Peu Difficile) te permettront d’explorer le massif du Mont-Blanc crampons aux pieds… Attention cependant à la fréquentation le week-end !
Listes des voies : https://www.auvieuxcampeur.fr/sommet-du-mont-blanc.html
Pour trouver facilement des topos papier sur Paris, tu peux aller flâner au rayon librairie du Vieux Campeur : 2, rue de Latran, dans le 5e arrondissement.
Voilà donc une première liste de choses à faire pour progresser en alpinisme à Paris. Si tu veux aller plus loin, et pouvoir réaliser ton premier sommet en autonomie dès l’été prochain ou consolider tes connaissances actuelles pour faire des courses un peu plus difficiles, alors la formation Devenez Autonome en Haute Montagne a des chances de t’intéresser. 😉
Auteur : Emilie Lechevalier
Néo-montagnarde, je me suis installée en Savoie en 2017 et j’y ai découvert l’alpinisme et le ski de randonnée.
Depuis, j’aime les cordées qui respectent les temps du topo, le gling-gling du matos qui pend au baudrier au départ d’une voie, les cordes lovées avec amour et les peaux de phoque qui collent juste ce qu’il faut…
Parmi mes plus beaux souvenirs de montagne, il y a : d’interminables bambées dans les Écrins, des grandes voies au-dessus de la mer à l’automne et de trop courtes journées de peuf entre copains.
Mais il y a aussi toutes ces heures passées à préparer des courses, à réviser des manips de corde dans mon salon et à discuter de la complexité du facteur humain.
C’est pourquoi, une fois le piolet rangé : le stylo prend le relais, pour partager des récits de voyage à la verticale mais aussi des conseils pour progresser.
C’est ainsi que je suis devenue rédactrice spécialisée dans les sports de montagne et auteure du Carnet Montagne.
Retrouvez mes courses en montagne sur le compte Instagram @lesdirtbags
Et pour aller plus loin, c’est par ici : https://emilie-lechevalier.fr/