Le jour où j’ai failli mourir

Le jour où j’ai failli mourir

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Dans cette vidéo je vous raconte mon épopée à l’Aiguille de la Vanoise. C’était ma première course en autonomie en alpinisme et ça a bien failli être la dernière. Nous avons enchaîné plusieurs erreurs de débutant et je vous les partages dans l’espoir que ça puisse vous servir à ne pas commettre les même.

Note : Certaines images sont des images d’illustration issues de mes autres courses, lorsque les photos sont celles du jour de l’accident je l’ai indiqué dans la vidéo.

  • La base SERAC de Camptocamp : https://www.camptocamp.org/serac
  • Le topo de l’aiguille de la Vanoise :https://www.camptocamp.org/routes/54150/fr/aiguille-de-la-vanoise-traversee-des-aretes-e-w
  • L’article « Quand faut-il faire demi tour en montagne ? » :https://objectifalpinisme.com/quand-faut-il-faire-demi-tour-en-montagne/

SOMMAIRE :

00:00 : La formation ouvre bientôt ses portes
00:05 : Introduction
00:54 : Ma première course d’alpinisme en autonomie
11:39 : Ce que j’ai retenu

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Transcription texte:

Salut les montagnards !

Aujourd’hui j’aimerais vous parler d’une expérience qui aura marqué à tout jamais ma pratique de la montagne et même ma vie. C’est cette fois où j’ai cru que je ne me relèverait plus, où j’ai vraiment cru que j’allais mourir.

C’est évidemment un sujet assez intime et traumatisant et pas facile à aborder en vidéo. Pour tout vous dire, j’ai beaucoup hésité à sortir cette vidéo et ça fait la 3ème fois que je la tourne. Donc je compte sur votre bienveillance 😉

Cette vidéo servira donc de retour d’expérience (ou retex comme on dit dans le milieu) et j’en profite pour vous renvoyer vers la base SERAC de camptocamp qui sert justement à recueillir les retour d’expérience en vue d’améliorer la sécurité dans la pratique de l’escalade et des sports de montagne. Je vous mettrai le lien en description.

Place à l’histoire !

Tout commence lors d’un beau mois d’Aout 2016, donc il y a un peu plus de 5 ans, j’avais fait ma première course d’alpinisme avec un ami de mon oncle en 2015 et rien depuis à part quelques randonnées et des via ferrata. Donc avec des amis on décide de partir en autonomie pour une de nos premières course d’alpinisme.

J’étais en stage à Paris à l’époque dans un gros cabinet d’avocat et je me déséchais à petit feu. Je passais ma journée devant des tableurs excel de 10 000 lignes pour faire des benchmark en prix de transfert, un job de machine … bref je vous passe les détails. A l’époque, je voulais vraiment à tout prix débuter l’alpinisme mais comme beaucoup d’étudiants, je n’avais pas beaucoup de moyens. Et donc je galérais parce que l’argent que j’avais, je l’avais utilisé pour m’acheter du matériel, faire les déplacements etc. et il me restait plus grand chose pour payer un guide. Avec mes potes de montagne de l’époque on décide donc d’aller faire notre première sortie alpinisme en autonomie (donc sans guide) tous les 4. Et on choisit une course magnifique : l’aiguille de la vanoise : la traversée des arête E -W. C’est une course côtée AD-, 3c en grimpe, II en engagement et P2 en équipement. Donc pour ceux qui connaîtrait pas les cotations, c’est pas une course très dure mais c’est pas du tout adapté à une première course en autonomie. Et le choix de cette course aura donc été notre première erreur.

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On fait la marche d’approche qui est super belle, on arrive en bas du pierrier qui monte à l’arête, puis au début de la course à proprement parler. On le sait pas encore mais cette journée va être plus longue que prévue.

On commence à progresser sur l’arête et on met trop de temps. On est pas assez efficace dans les manips, c’est la première fois qu’on pose des points, on fait de la corde tendue mais on connait pas du tout les autres type d’assurage en mouvement (ça on en reparlera parce que c’est complexe et souvent mal compris). Bref en tout cas on perd du temps.

Donc la deuxième erreur : ne pas avoir une assez bonnes maîtrise des manips.

Et là on se perd. Alors pour ceux qui se demandent comment on se perd sur une arête parce qu’en théorie c’est tout droit. Eh bien en fait c’est pas si évident. Certaines fois vous devrez passer du côté droit de l’arête, une autre fois du côté gauche etc. Quand on est sur l’arête on parle plus de côté Nord Sud ou Est Ouest mais là c’est pour que vous compreniez. Donc on se paume et on tombe dans un niveau d’escalade qui était pas censé être là. On devait avoir du 3c et on tombe dans du 5 ou du 6. Mon pote qui était un peu notre leader essaie de grimper pendant qu’on l’assure. Et là … il tombe. Heureusement il se faisait assurer, il se fait pas trop mal mais psychologiquement il en prend un coup. On s’est tous fait peur et deux d’entre nous veulent maintenant faire demi tour. On est perdu, et les nuages arrivent, je me rappelle de voir des gros nuages bien noir à l’horizon.

3ème erreur : manque d’expérience et de préparation dans la lecture du topo et la prévision des conditions

Là y’a un peu une scission dans le groupe : deux d’entre nous veulent faire demi tour et désescalader, ils envisagent même d’appeler les secours parce que la chute de mon pote les avait trop marqué et le 3ème compère et moi on voulait continuer. Pourquoi on voulait continuer c’est parce qu’on savait qu’il y avait un échappatoire un peu plus loin et qu’on pensait que ça serait beaucoup plus simple que de désescalader. Donc la moitié du groupe était un peu en panique et il fallait prendre une décision. Finalement on décide de continuer, on arrive à retrouver le bon chemin. Mais l’arête est toujours plus vertigineuse. On a 200 m de vide de chaque côté et parfois c’est tellement effilé qu’on peut même pas se mettre à cheval sur l’arête.

Les nuages se rapprochent, on est lent, mais on a quand même bien avancé… et on finit par trouver l’échappatoire. Là c’est le soulagement total, on sait qu’on est sauvé ! On se tape dans la main, on enlève baudrier et corde et on garde juste le casque pour descendre cette pente d’herbe raide.

4ème erreur : penser qu’on est sauvé quand on est arrivé au sommet, vous le savez maintenant mais au sommet on a fait que la moitié de la course et la plupart des accidents arrivent à la descente.

On arrive en bas de la pente, on voit le chemin à quelques dizaines de mètre juste en dessous de nous … séparé par une barre rocheuse. On longe la barre à droite, on longe la barre à gauche pour essayer de trouver un passage. Et il y avait un endroit d’environ 5-7 m de haut donc à peu près deux étages. J’essaie rapidement de désescalader mais ça passe pas. Alors pensant bien faire, je dis à mon pote, « pose une corde fixe, je vais voir si ça passe ». Mon pote pose une sangle autour d’un bequet et il attache la corde à un maillon rapide pour que je puisse descendre à la main comme dans les jeux d’enfant où on peut monter et descendre à la corde … sauf que là on était pas dans des jeux d’enfant, mais sur une barre rocheuse de 7m… Et là aura été notre 5ème et ultime erreur qui est un mix de plusieurs erreurs :

  1. On aurait clairement dû mettre un rappel propre
  2. Je ne fais pas le partner check, je vérifie pas le noeud qu’il fait pour accrocher la corde au becquet.
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Du coup je prend la corde, je tire un peu dessus, ça tient. Je me mets en position de rappel donc bien en arrière, les pieds qui poussent contre la parois. Je commence à descendre un bras sur la corde … Et là je sens la corde qui lâche. J’ai juste le temps de dire « oh putain » et je me sens tomber.

Tout est allé en même temps très vite et très lentement. 5-7m ça vous laisse vraiment le temps de vous sentir tomber. J’ai pas eu le temps de voir ma « vie défiler » par contre je me rappelle m’être dit : « quand tu toucheras le sol, ça sera fini. Ca sera ta dernière sensation et après ça sera la fin ».

La chute est longue et j’ai le temps de réaliser que le choc imminent contre les rochers en contrebas serait peut-être la dernière chose que je ressentirai. Je ressentais un peu la même chose qu’une chute dans un rêve. Et d’un coup dans une violence extrême… premier choc. Je percute un rocher plat sur le dos et certainement la fesse. Je rebondi et je tombe dans un fossé entre la paroi et le premier rocher environ 1m80 plus bas. J’ai le souffle coupé. Je suffoque et je gémis malgré moi. Tout mon corps est en panique et se bat pour chercher une seule bouffée d’air.

Mes amis m’expliqueront plus tard qu’il pensaient que j’étais mort. Ils ont vu la corde lâcher et glisser sur le rocher en faisant « ZZZzzzzzzz ». Ils se sont regardés, ils ont compris ce qui venait de se passer et ils se sont dit que c’était fini pour moi.

A ce moment j’entends le cri déchirant de mon pote en haut « putain Thomas, je suis désolé », c’était un cri entre le désespoir, la tristesse et la culpabilité. C’est un cri qui valait toutes les excuses du monde et que j’oublierai jamais.

Une fois mon souffle retrouvé mais toujours haletant, je tâte mes côtes et mes organes vitaux pour vérifier si ma vie était en danger. La douleur vive que j’avais ressenti juste après le choc s’estompait peu à peu. Et je me suis rendu compte avec un grand soulagement que j’allais vivre. Je ne sentais rien de cassé.

Un de mes amis était déjà au téléphone avec les secours et les renseignait sur mon état « oui il bouge…il respire ». Je tentais d’expliquer à mes amis que je n’avais pas besoin des secours et de les persuader sans grande conviction qu’il n’était pas nécessaire de faire venir l’hélicoptère.

Je commençais à me relever au milieu des chardons et deux randonneurs qui passaient par là sont venus m’aider. Ils m’ont sorti du trou et m’ont allongé par terre en m’enroulant dans une couverture de survie que leur avait lancée un de mes amis en haut de la barre rocheuse. J’étais encore sous le choc mais je protestais contre l’arrivée des secours. Le randonneur me dit qu’il fallait que je me calme et que je reste allongé, qu’on ne savait pas si j’avais quelque chose de cassé. Il me donnait à boire et l’hélicoptère est arrivé en une dizaine de minutes.

Finalement à l’hôpital après les analyses les médecins n’ont pas arrêté de me dire la chance que j’avais de m’en sortir sans rien. J’ai juste eu quelques bleus et égratignures et un beau traumatisme psychologique des cordes d’escalade et du vide.

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Le lundi j’étais de retour à mon cabinet d’avocat, avec un sentiment de futilité d’une intensité rare 😄

Assez rapidement après j’ai voulu aller regrimper pour ne pas vivre avec ce traumatisme toute ma vie. Depuis ce jour, je vérifie toujours au moins 2 ou 3 fois que mes nœuds sont parfaits, que mes manips sont bien réalisées… et je fais mon partner check.

Ça sera que quelques années plus tard que je commencerai le blog puis la chaîne Youtube dans l’espoir que ma petite expérience serve aux autres.

Ce que j’en ai retenu

  • La première chose c’est que vivre comme ça la proximité de la mort c’est une expérience hyper marquante, parce que j’ai vraiment cru que ma vie allait s’arrêter là.
  • Donc l’enseignement qui est peut être le plus important mais qui n’a pas grand-chose à voir avec la montagne : la vie est précieuse, elle est courte, ça peut paraitre cliché mais je m’en fout, mais j’ai eu une vraie prise de conscience après cette expérience et quand j’y repense je me dit que je dois faire en sorte que chaque journée soit exceptionnelle car ça peut finir vite. C’est pour cette raison que quand vous avez un doute en montagne, il faut faire demi tour : article sur le sujet. Cette expérience à ouvert une porte dans mon esprit. Avant je me rendais pas vraiment compte de ce que ça voulait dire de mourir même si j’ai déjà des proches qui sont morts. J’ai l’impression qu’on a beau en parler, on ne l’intègre jamais vraiment si on ne vit pas une expérience comme ça. Tout peut finir tout de suite. Il y aussi un sentiment d’invincibilité quand on est jeune et je peux vous dire qu’il a bien été entamé ce sentiment 😂
  • 2 : beaucoup plus pratique mais c’est l’erreur sur laquelle je voudrais attirer votre attention : le partner check ! Si j’avais vérifié le nœud je ne serai peut-être pas tombé
  • 3 : La compétence : je n’étais pas du tout assez expérimenté pour faire cette course, il faut y aller par étape, faire des journées de formations, y’a des trucs pas cher comme le grand parcours avec la FFCAM ou Grave y cime avec la FFME. Et si vraiment vous pouvez pas et que vous avez pas de sous : entraînez vous d’abord aux manip chez vous puis dans un environnement sécurisé !

Et je vais finir cette vidéo par une citation de Montaigne, car il résume et sublime ma pensée.

Tiens pour ton dernier jour chaque jour qui luit pour toi et tu béniras la faveur de l’heure inespérée. Il est incertain où la mort nous attende, attendons la partout. La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à être un esclave. (Montaigne, Essais, Livre I, Chapitre XX)

J’espère que par la transmission de mon expérience cette vidéo vous aura un peu appris à mourir.

Merci d’avoir regardé cette vidéo, si vous pensez qu’elle mérite d’être vue, vous pouvez l’indiquer à l’algorithme youtube en mettant un like et un petit commentaire.

Vous pouvez aussi télécharger gratuitement mon guide pour débuter l’alpinisme et celui pour débuter le ski de rando en cliquant sur le lien en description ou sur l’image juste en dessous de moi.

En attendant je vous dis à plus dans les hauteurs et surtout soyez prudents.

Crédit photo : tomroc.com

 

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