« Je pensais qu’on arriverait tous au sommet » – Ascension du Mont Blanc, Objectif 4/7 (Partie 3/3)

« Je pensais qu’on arriverait tous au sommet » – Ascension du Mont Blanc, Objectif 4/7 (Partie 3/3)

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En mai 2018, je me suis rendu à Chamonix et j’ai tenté l’ascension du Mont Blanc en autonomie par la voie des Grands Mulets à ski de randonnée. Nous devions redescendre par la face Nord en ski. J’étais loin de me douter de ce qui se passerait là-haut 2 jours plus tard.

L’équipe de choc

Nous partirons donc à 4 ! Mon oncle, et deux de ses amis. Un montagnard chevronné qui a déjà fait l’Aiguille verte par le couloir couturier (en glace) en solo et qui ne compte plus ses ascensions du Mont Blanc. Et un BE d’escalade, grimpeur de 8a et pro des manips de corde. Mon oncle quant à lui a une bonne expérience de la montagne, il est accompagnateur moyenne montagne (AMM) et a fait déjà pas mal d’alpinisme.

Je suis bien entouré ! Et c’est capital ! Je vous invite à relire l’article sur la préparation pour en savoir plus.

Ma préparation pour l’ascension du Mont Blanc

Je ne peux pas dire que je me suis à proprement parler « préparé pour le Mont Blanc ». En revanche j’avais une vraie volonté de devenir autonome en haute montagne. Alors j’ai fait les courses qui me plaisaient. Et vu que j’aimais ça, il s’est trouvé que ça m’a bien préparé.

J’ai quand même accentué la cadence avant l’ascension du Mont Blanc pour faire des courses en haute altitude et m’acclimater. J’ai aussi fait des courses à fort dénivelé comme le Grand Paradis à la journée (2 100 m de D+).

Cependant si vous voulez un vrai programme de préparation au Mont Blanc je vous recommande (encore) d’aller lire le précédent article que j’ai écrit sur le sujet.

Vu qu’un visuel vaut mieux qu’un long discours, voici mes courses en 2018 (uniquement ski de randonnée) :

Courses Préparation Mont Blanc

Si vous voulez toutes mes sorties de 2018 vous pouvez aller voir ma liste de courses.

Entraînement du cardio

Puisqu’il fallait s’entraîner mais que je n’aime pas particulièrement courir et particulièrement en ville et sur du plat, je me suis dit : « Quitte à courir longtemps autant faire un marathon ». Du coup un matin je me suis levé et je suis parti sans prendre de petit déjeuner pour mon premier (et probablement mon seul) marathon. True story…

Avec du recul c’était un peu une idée pourrie :D. Je n’avais pas mangé et je n’ai absolument pas fait d’étapes pour réaliser ce marathon. Mais j’avais tellement la flemme de faire d’abord un semi-marathon puis un marathon, que j’ai préféré le faire direct. En plus vu qu’au début j’étais parti juste pour m’entraîner, j’ai choisi de faire un peu de dénivelé.

Je me suis prouvé que je pouvais le faire donc c’est le point positif. Mais il aurait mieux fallu se préparer correctement. On apprend de nos erreurs. On mettra ça sur la fougue de la jeunesse …

J’ai continué de m’entraîner en courant quand je ne pouvais pas aller en montagne. Mais l’essentiel de ma préparation a été d’aller en montagne faire des courses. Ce qui je pense est l’essentiel et le plus efficace.

Le premier incident

Je reçois un coup de téléphone.

« Thomas, c’est ton oncle, écoute… je crois que c’est pas très sérieux que je vienne avec vous. Je me fais opérer du genoux et j’aurais besoin de me remettre. J’ai pas envie de compromettre la course… »

Mon oncle annule le projet. Il ne viendra pas. La sagesse a parlé, il choisit de renoncer.

Nous avons perdu un soldat.

Et c’est certainement pour le mieux ! Même si cela me rendait triste de ne pas y aller avec lui, il vaut bien mieux renoncer que se mettre inutilement en danger. Le Mont Blanc est là. Il attendra.

Nous serons donc 3 !

Marche d’approche depuis Chamonix : la voie historique

Itinéraire en rouge sur la carte entre les deux carrés rouges.

La biographie de ce tas de cailloux au bonnet blanc

Le Mont Blanc est né il y a 252 millions d’années ou peut-être 66 millions d’années. Il faut dire qu’il en a des crevasses qui rident son front le bestiau ! En réalité c’est plus de la naissance des Alpes qu’on parle parce que le Mont Blanc en tant que tel, eh bien comment dire… Était-il vraiment le Mont Blanc avant d’être le sommet des Alpes ? ou avant de porter son nom ? Ce qui pose la question passionnante et vertigineuse de l’identité, que malheureusement nous ne traiterons pas ici. Thésée et son bateau s’étaient déjà pris le chou sur le sujet.

Nous n’allons donc pas nous creuser la tête sur la date de naissance du Mont Blanc mais nous allons quand même faire couler un peu d’encre sur son histoire avec les humains. Enfin, couler de l’encre… Allumer des pixels serait plus juste. Nous allons donc allumer quelques pixels sur son histoire !

Le Gîte à Balmat

Jacques Balmat et le docteur Michel Paccard partent de Chamonix pour atteindre dans la nuit le lieu de leur bivouac entre le glacier des Bossons et le glacier de Taconnaz non loin de la jonction. Ils donneront leur nom au Gîte à Balmat et Paccard qui nous montre que le mot « gîte » peut aussi être utilisé pour un gros caillou sous lequel s’abriter et pas seulement pour un joli chalet où on mange une bonne raclette au feu de bois.

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Ils atteindront le sommet le lendemain en passant par la voie dénommée aujourd’hui « des Grands Mulets ». L’alpinisme est né. Ou peut-être qu’il est né un peu avant, si vous avez lu mon article sur le Mont Aiguille vous saurez de quoi je parle 😉 .

Balmat et Paccard lancent ainsi le mouvement et nombreux sont ceux qui marcheront dans leurs crampons.

Portage sur 1 000 m

Quant à moi, j’ai donc porté mes skis et mes chaussures beaucoup trop Sac et skis pour le Mont Blanc par les Grands Muletslourdes vaillamment sur environ 1 000 m de dénivelé pour arriver au refuge du Plan de l’aiguille le 19 mai 2018. Je voulais tellement m’imprégner de l’histoire que je n’ai pas jugé nécessaire de partir fast and light. Cela dit j’ai quand même loué des skis plus légers que mes Cham 87 avec fix Diamir. J’ai cependant gardé mes chaussures pour éviter les risques d’ampoules.

Nous grimpons donc à travers la forêt à deux car notre troisième compagnon n’a pas notre passion pour l’histoire et a préféré prendre le téléphérique.

Nous finissons par arriver au refuge du Plan de l’Aiguille. Je me sens en forme mais mon compagnon de cordée (le montagnard chevronné) a un peu soufflé… J’espère qu’il aura la pêche demain.

Arrivée au refuge du Plan de l'Aiguille
La lumière rasante du soir sur le refuge du Plan de l’aiguille

 

Montée au refuge des Grands Mulets : le passage délicat de la jonction

Du plan de l'aiguille aux grands muletsItinéraire en rouge

Après une bonne nuit et un bon repas, certains partent pour le Mallory (AD+, III, 60°), d’autres partent pour les Grands Mulets. Nous chaussons les skis (enfin) et nous attaquons la traversée du glacier des pèlerins pour arriver au beau glacier des Bossons après être monté puis descendu puis monté dans ces combes pas très pratiques.

Montée depuis le plan de l'aiguille au refuge des grands muletsQuelques passages sont un peu raides et si la neige est gelée il faut tout de même faire un peu attention en ski. Notamment le passage juste avant d’arriver au glacier des Bossons.

Nous naviguons sous les séracs impressionnants mais moins menaçants que ceux du petit plateau plus tard.

Nous passons la jonction qui était en bonne condition. C’est un passage d’ordinaire délicat car avec de belles crevasses. Elles peuvent être bien ouvertes mais dans notre cas, les ponts de neiges étaient bien formés et solides.

Passage de la jonction avant d'arriver aux Grands Mulets

Et nous enchaînons la dernière ligne droite jusqu’au refuge des Grands Mulets. Pour ceux qui n’y seraient jamais allé, vous devez déchausser pour ensuite faire quelques dizaines de mètres de « grimpe » facile accompagné d’un câble pour arriver enfin au refuge.

Seulement 800 m de D+ aujourd’hui. J’ai toujours la forme mais de gros nuages arrivent sur le glacier. Va-t-on pouvoir tenter l’ascension demain ?

 

L’ascension du Mont Blanc par les Petit Plateau et Grand Plateau

Montée petit plateau grand plateau col du dôme du goûter abri vallot Itinéraire en rouge sur la carte

Summit Day ! L’excitation est à son comble si bien que je ne me souviens pas avoir vraiment dormi. Les nuages se sont transformés en une brume moins épaisse. Nous allons donc tenter le sommet !

Après une bonne nuit de sommeil courte sieste nous partons donc vers une heure du matin au milieu de la nuit et des étoiles. Les lumières de Chamonix lointaines, s’enfouissent dans la vallée. Nos lampes frontales, lanterne d’alpiniste, s’envolent sur les cimes. Elles tâtonnent, cherchant le meilleur itinéraire à travers l’épiderme pétrifié et glacial de la montagne.

Nous savons que des crevasses se cachent ici et là, la gueule ouverte, leur piège tendu. Notre corde, seule sécurité qui nous maintiendrait en cas de chute, trace son sillon dans la neige à mesure que nos skis avancent à pas feutrés.

Nous nous égarons une fois puis rapidement nous retrouvons la bonne voie. Peu de paroles échangées. Juste le chuchotement du vent, et parfois le craquement sourd d’une chute de sérac au loin.

Ces séracs… si majestueux, qu’ils paraissent sculptés. Heureusement dans le noir nous ne les voyons presque pas. Ce qui nous aide un peu à les oublier et à apaiser le cœur battant qui, lui, n’a pas oublié le danger. Nous essayons de diminuer au maximum le temps passé à l’exposition de ces immeubles de glace branlants.

Pourquoi nous nous sommes désencordés

Rapidement nous prenons une décision importante. La corde nous ralentit trop dans notre progression et nous devons être rapides pour ne pas passer trop de temps sous les séracs. Les conditions sont bonnes, il a neigé la veille. La trace est bien marquée. Nous faisons le pari de nous désencorder.

En ski de rando encore plus qu’à pieds, la corde ralentit sensiblement la progression notamment à cause des conversions qui sont nécessaires à chaque virages.

Nous continuons donc chacun notre rythme et nous nous rejoignons pour faire les pauses.

L’un de nous commence à faiblir. Nous l’attendons souvent et le doute commence à planer sur l’équipe : va-t-on réussir ?

Nous arrivons dans les temps au col du Dôme du Goûter (4 250 m) à 5h36 (donc environ 4h20 après notre départ) après 1 200 m de dénivelé. Il reste 559 m de D+. Ouch. On sent déjà bien l’altitude.

 

Arrivée au Refuge Vallot à bout de souffle

La déchetterie Vallot…

Les derniers mètres pour arriver au refuge Vallot n’ont pas été facile pour tout le monde. Les 1 300 m de dénivelé et les 1 800 m des deux jours précédents commencent à se faire bien sentir. Notre progression est lente et l’oxygène semble avoir décidé de ne pas élire domicile à cette cabane !

Mon premier compagnon arrive essoufflé mais avec le sourire. Cependant nous ne voyons pas arriver le troisième compère. Nous en profitons donc pour faire une bonne pause. Nous mangeons et soufflons un bon coup.

Notre troisième luron arrive enfin. Il est exténué. C’est lui qui connaît l’itinéraire par cœur, notre montagnard chevronné, notre guide ! Il ne paraît pas en mesure de continuer pour le sommet. Ses skis sont lourds et son souffle court.

Nous avions prévu de descendre par la face Nord du Mont Blanc à ski, mais est-ce vraiment envisageable dans l’état où nous sommes ? Faut-il abandonner ?

Une décision difficile

Notre montagnard prend alors une décision difficile.

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« Les gars, je veux pas vous voler le sommet… Je vais être trop lent. On va prendre des risques… Allez-y sans moi. »

Il ne se sent pas d’aller au sommet. Son entraînement cet hiver a été trop juste. Il est à bout de force.

Nous perdons notre deuxième soldat.

Après avoir discuté nous décidons donc de tenter le sommet à deux. Comparé aux deux autres membres de notre équipe, qui maintenant sont hors course, nous sommes les deux les moins expérimentés en alpinisme.

Bien sûr mon compagnon restant est professionnel d’escalade, il connaît donc par cœur la technique ! Et moi je suis bien entraîné, malgré la fatigue je me sens encore la force d’aller jusqu’au sommet. Ces nombreuses courses que j’ai réalisées cet hiver ont porté leurs fruits !

Nos atouts sont donc complémentaires : technique pour lui, endurance pour moi !

Mais pour l’itinéraire, pas de guide, il va falloir se débrouiller seuls !

Une météo douteuse

Arête des bosses jusqu'au Mont Blanc
L’arête des Bosses dans la brume

Le temps était bon à un détail près. La brume qui parsemait la face Nord du Mont Blanc et le vent sur l’arête. Deux détails qui, pour une descente à ski et un portage des skis sur l’arête, ne nous arrangeaient pas vraiment…

La face Nord est en effet jonchée de séracs et il faut bien trouver l’itinéraire en descente, sans être encordé. Beaucoup d’aléas…

Quant à l’arête, porter les skis avec du vent et compte tenu de notre fatigue et du dénivelé restant ne paraît pas envisageable.

Le consensus est vite trouvé : on abandonne la descente de la face Nord.

Déçus mais encore motivé par l’espoir du sommet, nous laissons les skis à Vallot et nous chaussons les crampons !

Les effets de l’altitude

Le simple fait de mettre mes crampons m’essouffle. Je prends véritablement conscience à ce moment-là que l’altitude n’est pas à prendre à la légère. J’aurais été incapable de faire une pompe.

J’ai l’impression que chaque mouvement demande 2 fois plus de force qu’en temps normal. Et l’oxygène, dont on oublie presque la présence en vallée, devient alors plus précieux que de l’or.

On peut survivre plusieurs mois sans manger, quelques jours sans boire, mais seulement quelques minutes sans oxygène. Et il est très curieux de se rendre compte de ça sur la terre ferme et pas dans l’eau pendant qu’on retient son souffle. Cette molécule qui nous semble si banale dans notre quotidien, reprend toute sa valeur dans les hauteurs. Et on se sent privilégié de pouvoir l’accueillir dans notre corps pour ne faire plus qu’un avec elle.

Malgré tout mon entraînement, ce n’est donc pas une partie de plaisir. Je ne voudrais pas trop m’attarder ici et je comprends aussi pourquoi il y a tant d’échecs durant l’ascension du Mont Blanc (entre 40% et 100% chaque jour). C’est un effort très spécifique. Ici on ne fait pas un footing, pas de vélo ou de rameur. On fait de l’alpinisme. Et ça change TOUT. Voir la vidéo sur Tibo Inshape.

Nous prenons donc notre courage à deux mains, nous sortons du refuge Vallot et nous nous lançons dans la fameuse, et redoutable Arête des Bosses.

L’Arête des Bosses

Itinéraire du refuge Vallot au sommet du Mont Blanc
Itinéraire en rouge sur la carte

Nous nous lançons donc dans cette dernière ligne droite. Ces trois petites bosses vues de loin représentent une épreuve interminable pour l’aspirant au Mont Blanc. Nous nous rendons vite compte que nous n’y serions jamais arrivés avec les skis sur le dos. Le vent est fort et nos pieds sont déjà suffisamment lourd à porter.

Nous croisons d’autres cordées qui redescendent. Sont-elles arrivées au sommet ? Ont-elles renoncé ? La réponse restera perdue dans la brume, nous n’avons pas le temps de nous attarder.

Nous voulons y croire, 500 m de dénivelé c’est rien… et en même temps sur le moment ça nous paraît être les 500 m les plus long du monde.

Nous passons la première bosse. La pente est raide et le chemin étroit. Il y a la place pour une personne mais quand il faut croiser des gens, on fait comme on peut. On se rapproche du vide pour laisser la place. Plus de 1000 m de dénivelé de chaque côté. On reste concentré malgré l’altitude et la fatigue.

On passe la deuxième bosse. Lorsque…

On fait demi-tour ?

Je suis devant. La corde est tendue entre mon compagnon de cordée et moi. Nos pas sont irréguliers. Interrompus par la fatigue et notre souffle trop court. Puis je sens la corde qui me bloque. Il n’avance plus. Il souffle mais ne semble pas retrouver sa respiration.

« Y’a plus d’air Thomas. J’y arrive pas. J’ai l’impression qu’il n’y a pas d’oxygène. Je vais pas y arriver… »

Je suis sans voix. Que faire ? Le pousser à puiser dans ses dernières forces pour tenter d’arriver au sommet ? Ou renoncer et jouer la sécurité ?

Le temps que je réfléchisse une cordée qui redescend nous croise. J’interpelle l’un des alpinistes :

– Le sommet est encore loin ?

– 150 m de dénivelé, pas plus.

Je prends alors ma décision. « Allez Sylvain ! On est plus qu’à 150 m du sommet ! On va y arriver ! C’est trop bête d’arrêter maintenant. Tu peux le faire ! »

Je réajuste mes anneaux de bustes et je tire la corde pour l’aider à avancer. On avance doucement mais en essayant d’être régulier.

J’ai pris un risque ce jour-là. Le risque de pousser quelqu’un à bout de ses forces. Ai-je eu tort ou raison ? Je ne sais pas. C’est toujours plus facile de choisir quand on est chez soi dans son canapé à tête reposée. Ce jour-là, j’ai choisi de continuer et la décision a été partagée.

Une erreur de débutant

Sur l’arête nous croisons un guide. « Raccourcissez la corde, c’est trop long » nous lance-t-il en nous croisant. Nous devions avoir environ 4 ou 5 m entre nous. Or sur une arête de neige, l’encordement est très court : 2-3 m maximum ! Sur une arête rocheuse la situation est différente puisque l’on peut protéger les longueurs.

Quand la pente se redresse ou sur les arêtes effilées, le but n’est pas de retenir la chute, ce qui serait presque impossible. Mais uniquement de retenir un éventuel déséquilibre. Il faut donc pouvoir sentir tout de suite quand notre compagnon vacille.

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Nous faisons donc dos bas et nous reprenons quelques anneaux.

L’ascension du sommet

Comme vous pouvez le voir, il faisait froid…

Nous continuons donc. Comme deux astronautes sur la lune nos pas semblent être au ralenti mais la force de gravitation, en revanche, se fait bien sentir ! J’encourage mon compagnon à chaque pas. Nous y sommes presque !

La pente s’adoucit.

Petit à petit, nous arrivons sur ce qui semble être une grosse bosse.

Le sommet ! Nous y sommes enfin ! Nous l’avons fait !

Parfois on choisit de gravir une montagne. On la regarde on l’étudie sous tous ses angles, on l’admire, on la rêve. Puis vient le jour de l’ascension. La course est prête, l’itinéraire est décidé. Mais les cimes savent faire languir les hommes. Et dans ce jeu de séduction céleste, la montagne a toujours le dernier mot, elle décidera du sort des fous qui auront osé défier sa péremptoire majesté. En haut de leur immense corps inerte et déserté de vie les montagnes reçoivent parfois le cœur d’un homme battant à tout rompre. Elles lui accordent un bout d’infini et l’homme leur offre en retour quelques palpitations, l’espace d’un instant.
Une palpitation à 4810 m d’altitude est un combat, c’est une offrande, c’est un sursaut de vie dans un domaine d’éternité. Le Mont Blanc m’a laissé lui accorder ce battement de mon cœur émerveillé.

Nous sommes arrivés à 9h40 au sommet. C’était déjà tard.

Après être resté 5 minutes au sommet pour prendre trois photos, nous nous empressons de redescendre. Le froid et le vent, n’était pas particulièrement accueillants !

La descente à ski par la face Nord du Mont Blanc ?

La descente à ski par la face Nord aura été un échec. Mais ce n’est que partie remise ! Et il n’aurait pas du tout été sérieux de tenter une telle descente dans ces conditions météos et de fatigue.

Heureux sur l'arête des bosses à la descente du sommet du Mont Blanc

Si vous faites un peu d’alpinisme ou si vous avez lu mon article sur le sujet ;), vous savez que la descente est souvent le moment le plus dangereux de la course. On est fatigué, l’attention baisse et c’est là qu’arrivent les accidents.

L’aventure n’était donc pas terminée ! Il nous restait à descendre toute l’arête, chausser les skis à Vallot et redescendre chercher nos affaires et notre compagnon aux Grands Mulets.

Nous commençons donc à descendre, Sylvain devant et moi derrière. Cela peut paraître contre-intuitif mais le premier de cordée est derrière en descente pour prévenir une chute.

Nous rejoignons le refuge Vallot, fatigués mais heureux.

Après avoir récupéré nos skis et bâtons en main, nous skions la pente plutôt douce. Nous descendons au grand plateau, passons sous les séracs des grandes et petites montées en prenant en compte d’un coup l’ampleur de ces monstres de glace…

Les séracs des petits et grands plateaux dans la descente du Mont Blanc
Le petit point noir est un homo sapiens

A chaque virage, nos cuisses sont brulantes et mon compagnon se bat pour mobiliser les dernières forces qui lui restent.

Nous finissons par arriver au refuge des Grands Mulets. Nous retrouvons notre troisième compère qui nous attendait.

Après une bonne pause et quelques barres de céréales dans notre estomac, nous repartons pour la descente finale. Nous repassons la jonction à ski, fallait pas tomber …

Redescente du Mont Blanc à Chamonix
Avec tout mon barda

Puis nous skions aux pieds de l’Aiguille du Midi dans ces combes interminables pour rejoindre l’ancien téléphérique. Quant à Sylvain, il redescendra par le téléphérique du plan de l’aiguille.

Et là commença la dernière torture : le portage jusqu’à Chamonix. J’étais porté par l’émotion de la victoire mais assez rapidement ma patience s’est érodée pour que je me mette à courir avec les skis sur le dos pour arriver le plus vite possible en bas.

Après environ deux heures nous retrouvons le parking… enfin.

L’aventure se termine donc ici. Nous jetons un dernier regard au Mont Blanc. Et nous reprenons notre vie de terrien après avoir, pendant quelques heures, tâtonné le domaine des dieux.

A retenir pour votre ascension du Mont Blanc

Ce que j’ai appris de cette ascension :

  • L’encordement doit être court sur une arête de neige. Mais vraiment court ! Comme dit plus haut, je l’avais réduit à 4m environ. Mais c’est vraiment à 1 ou 2 m qu’il faut réduire !
  • Les séracs tombent à tout moment du jour et de la nuit. Il n’y a aucun moyen de prévoir leur chute ! Donc lorsqu’on part tôt, ce n’est pas pour éviter les séracs mais pour favoriser une bonne qualité de neige (pont de neige, avalanche…) et pour avoir de la marge. C’est donc un peu la roulette russe concernant les séracs…
  • Le matériel léger change tout ! Je n’avais jamais skié avec des skis light et j’avais l’impression d’être une fusée ! Il ne faut donc pas sous-estimer l’importance du matériel. Et j’ai bien fait d’en louer.
  • La préparation est capitale ! J’étais bien préparé donc je n’ai pas eu trop de mal mais mes deux compagnons non. L’un n’y est d’ailleurs pas arrivé et l’autre de justesse. Si vous envisagez un projet de cette ampleur, préparez-vous correctement ! Si je devais le refaire, je pense que je ferais plus de courses avec mes futurs compagnons de cordée pour être sûr de leur préparation.
  • C’est une chose de savoir que l’altitude ralenti les mouvements et accentue la fatigue mais c’en est une autre de le vivre. J’ai véritablement pris conscience de la fatigue engendrée par l’altitude et ce n’est pas anodin. Veillez donc à bien vous acclimater et ne sous-estimez pas l’influence de l’altitude sur votre organisme.

Cela fait bientôt 3 ans que j’ai fait cette ascension. J’ai donc appris beaucoup de choses depuis. Je referais certainement les choses différemment.

Et vous ? Vous avez gravi le Mont Blanc ? Vous prévoyez de le faire ? Dites-le dans les commentaires !


Sources :
https://summit-day.com/le-mont-blanc/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bateau_de_Th%C3%A9s%C3%A9e
https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ologie_des_Alpes
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mont_Blanc#Histoire

 

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4 réflexions sur « « Je pensais qu’on arriverait tous au sommet » – Ascension du Mont Blanc, Objectif 4/7 (Partie 3/3) »

  1. Même histoire il y a quarante ans lol… mais sans ski… et arrivé seul au sommet… car abandons au fur et à mesure… mais avec beaucoup de bonheur…. même si conscient d’avoir été un peu inconscient… car j’avais de grandes courses en rocher à l’époque (Bonatti aux drus, pilier sud des Ecrins etc etc.. mais peu en neige ou glace… et en plus orage à la descente du dôme et rocher plâtré plus bas (aiguille du goûter), facile mais heureux de trouver les câbles que j’avais tant critiqués à la montée… (retour en humilité…)

     
  2. Bonjour Thomas,
    Merci pour ce récit.
    J’ai à mon actif deux tentatives sur le Mont Blanc en période estivale.
    La première avec un ami par les Grands Mulets, mais abandon à Valot (trop fatigués) et descente par le Goûter.
    La deuxième en solo côté italien par le refuge Gonella, avec une arête vertigineuse à parcourir jusqu’au dôme du Goûter, mais hélas abandon après Valot juste avant les Bosses. Mon projet initial était de redescendre par les Trois Monts jusqu’au Montenvers (je m’étais inspiré du récit de l’ascension faite en août 1911 par George Finch relatée dans son livre : « The Making of a Mountaineer » [1924]). Peut-être trop ambitieux … et re-descente par le Goûter.
    Malgré ne pas avoir atteint le sommet, j’en garde de bons et vifs souvenirs car j’y avais une forte implication personnelle.
    Comme vous le dites, de nos expériences et tentatives, on apprend beaucoup de choses.
    La montagne est une partie prenante du chemin de la vie.
    Poursuivez votre démarche.

     
    1. Bonjour Jean-Michel,
      Merci pour votre commentaire et ce beau partage d’expérience ! Ce sont des beaux projets que vous avez eu, peut-être un jour les remettrez vous d’actualité ;). Ce qui est beau pour l’alpiniste c’est que même si le sommet n’est pas atteint, ça reste un moment inoubliable en présence de la montagne. Et avec l’expérience nul doutes que vous y arriverez. Pour l’anecdote, j’ai un jour rencontré un guide qui a tenté 9 fois la barre des écrins avant de la réussir.
      A bientôt sur les sommets peut-être 😉

       

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