5 manières de détecter une crevasse sur un glacier
Une crevasse est une fissure dans le glacier. Quand je débutais l’alpinisme, les crevasses étaient ma plus grande frayeur. Ces gueules de glace grandes ouvertes qui nous accueillent au moindre faux pas ne font pas vraiment rêver. Et la rimaye, reine des crevasses est souvent la plus majestueuse et terrifiante de toutes. Plusieurs récits racontent même le « mal des rimayes » c’est-à-dire une l’envie très forte de rentrer chez soi1.
La crevasse n’est pas dangereuse en soi, elle est dangereuse quand elle n’est pas là. C’est-à-dire quand on ne la voit pas. En effet une crevasse bien visible ne présente aucun danger, on la contourne et puis c’est tout. Une crevasse cachée en revanche sera bien plus dangereuse car on ne s’attendra pas à sa présence et on ne pourra pas la contourner.
Pour bien détecter les crevasses il faut d’abord comprendre comment elles se forment. Puis connaître les différents types de crevasses que l’on peut rencontrer. Ensuite nous aborderons quelques façon (non exhaustive) pour repérer et éviter les crevasses. Et enfin quelques recommandations de bases de sécurité.
! ATTENTION !
Il n’existe pas de technique 100% sûre pour détecter une crevasse. Cet article vise juste à vous donner des astuces pour adapter votre niveau de vigilance en fonction des situations. Mais les astuces présentées ne représentent en aucun cas une méthode infaillible pour détecter les crevasses.
I/ La formation des crevasses sur un glacier
Un glacier en mouvement
Une des choses à bien comprendre (et que j’ignorais quand je débutais) c’est qu’un glacier n’est autre qu’une rivière de glace. Et qui dit rivière dit mouvement. Il y a en effet une partie mobile du glacier et une partie fixe. Ces deux parties sont souvent délimitées par une crevasse plus grosse et plus marquée que les autres : la rimaye.
Le glacier ne bouge pas à la même vitesse partout. De la même manière qu’une rivière, sa vitesse est plus rapide au centre et en surface et plus lent sur les côtés et au fond.
La formation des crevasses
A la différence des rivières cependant, un glacier n’est pas tout à fait aussi flexible. Lorsque la glace est soumise à des contraintes trop importantes : elle casse. Ainsi lorsqu’en surface la glace présente des défauts ou des zones de faible densité et que cette partie est soumise à des torsions ou des étirements : elle casse et forme une crevasse.
Concrètement cela veut dire que si le glacier rencontre une cassure de pente, un autre glacier, un virage ou même si sa vitesse varie au sein du même glacier, il aura de fortes chances de présenter des crevasses. En fait tout ce qui l’éloigne d’un écoulement régulier et linéaire pourra favoriser la formation de crevasses.
Profondeur des crevasses
Les crevasses peuvent faire entre 10 et 50 m de profondeur dans les alpes. Il est intéressant de noter qu’au-delà de 30 mètres de profondeur (ce qui fait déjà la taille d’un bel immeuble) les couches de glaces sont plus solides du fait de la pression. Les contraintes exercées par le terrain (cassures, virage…) tendent à former des cassures mais du fait de la forte pression les couches de glace se déforment et se déplacent comme du miel très épais et visqueux2.
Bon, dans tous les cas ça donne pas envie de tomber dedans.
II/ Les différents types de crevasses
Les crevasses sont généralement classifiées par leur orientation par rapport à l’axe d’écoulement du glacier.
Crevasses latérales
Elles sont perpendiculaires au sens d’écoulement du glacier. Ce sont les plus courantes. Elles s’élargissent quand la pente s’accentue et se rétractent quand la pente diminue.
Crevasses marginales
Elles se forment sur les côtés du glacier. Elles sont dues aux frottements du glacier contre les bords de la vallées. Elles forment en général un angle de 45° par rapport à l’écoulement du glacier.
Crevasses radiales
Elles semblent partir toutes d’un même point comme les rayons d’une roue. Elles peuvent se former lorsque la partie centrale du glacier avance plus vite que l’un ou ses deux bords.
Crevasses longitudinales
Elles sont parallèles au sens d’écoulement du glacier. Elles peuvent se former lorsque la vallée s’élargit.
III/ 5 manières de détecter une crevasse
1/ La couleur
Un trou (donc une crevasse) réagit différemment à la lumière du soleil. Donc soyez particulièrement attentif aux différences de couleur dans la glace ou à travers la neige.
Vous pouvez aussi repérer les affaissement (décrits ci-dessous) par la différence de lumière sur les parties de la neige qui crée le relief.
2/ La texture : neige ou glace
Quand le glacier est très ouvert en fin d’été et qu’il ne reste presque plus de neige, les crevasses sont souvent visibles. On marche sur de la glace et il n’y a plus tellement de neige. Il y a donc peu de risque que la glace s’effondre sous vos pieds (même s’il ne faut jamais dire jamais).
A contrario si vous alternez entre des passages sur de la glace vive du glacier et d’autres ou la neige recouvre la glace, soyez particulièrement vigilant. Car une crevasse pourrait se cacher sous la neige.
3/ La position par rapport au glacier
Comme dit plus haut, les crevasses se forment lorsque le glacier modifie sa trajectoire (entre autres). Donc si vous arrivez au moment où le glacier subit un changement de pente ou d’orientation (virage), vous aurez de forte chance de trouver des crevasses.
4/ Prolongation des fissures
Ne maintenez pas votre regard collé à vos pieds et levez la tête. En repérant d’autres crevasses ou des débuts de fissures vous pourrez déduire de l’emplacement potentiel d’une crevasse plus proche de vous.
Par exemple en prolongeant une fissure dans son axe vous pourriez déterminer qu’une crevasse se situe certainement devant vous.
5/ Affaissement
Les affaissements de la neige peuvent souvent donner un indice de la présence d’une crevasse. En effet cela signifie que la neige a commencé à s’enfoncer plus profondément dans le trou.
On peut distinguer les affaissements par des différences de texture, de relief ou de couleur.
IV / Les principales recommandation pour se protéger des crevasses
Enfin un rapide tour d’horizon des précautions de sécurité à adopter sur glacier et particulièrement en présence de crevasse.
L’encordement
La première est bien sûr l’encordement. Il doit être long : 15 m minimum à 2 et entre 8 et 15 m à 3 ou plus. Vous pouvez éventuellement rajouter des nœuds de freinage notamment s’il a beaucoup neigé.
La corde sera votre principal secours en cas de chute dans une crevasse.
Contourner les crevasses
Le plus simple reste de contourner les crevasses. Il vaut toujours mieux faire un détour que de traverser une crevasse douteuse. Parfois vous pensez voir la fin de la crevasse mais cela peut être son milieu et vous vous trouvez sur un pont de neige. Alors restez prudents.
Traverser le glacier perpendiculairement aux crevasses
Veillez à toujours marcher de façon perpendiculaire aux crevasses. Cela limitera votre temps d’exposition au-dessus de potentielles crevasses cachées. Et cela permettra aussi de ne pas vous retrouver tous dans la même crevasse qui serait pile dans la lignée de la cordée. Car dans ce cas, la corde ne servirait à rien.
Si jamais vous devez progresser parallèlement aux crevasses, veillez à vous placer en « escalier » les uns par rapport aux autres (comme au rugby). Cela permettra de ne pas tous tomber dans la même crevasse3.
Ne pas traîner
Évidemment, ne vous attardez pas sous les séracs ou sur le glacier de manière générale. Les crevasses peuvent être très belles et je me souviens m’être extasié devant l’une d’elle lors de ma première course d’alpinisme. Si vous souhaitez vous arrêter soyez sûr d’être en sécurité.
Partir tôt
Ce n’est pas que pour le plaisir de marcher sous les étoiles en montagne que l’alpiniste part tôt. C’est aussi pour garantir la solidité des ponts de neige et la compacité de la neige. Être sorti du glacier avant midi est donc assez courant.
Un pont de neige solide le matin peut tout à fait s’effondrer sous son propre poids l’après-midi. Les conditions changent vite en montagne.
Attention cependant, partir tôt ne vous protégera pas des chutes de séracs.
Pont de neige
Il vaut toujours mieux contourner que traverser un pont de neige. Si vous n’avez pas le choix, traversez les ponts de neige le plus tôt possible avec une vitesse régulière et maîtrisée, cela permettra de moins les solliciter. Testez-en la solidité avec votre bâton ou votre piolet.
Si la crevasse n’est pas très large que le pont ne paraît pas solide, vous pouvez sauter. Soyez cependant vigilant à bien prendre un peu de mou de corde pour ne pas vous faire arrêter en plein saut par la corde tendue. Soyez également vigilant à ce que les lèvres (=les bords) de la crevasse soient solides. Faites attention car prendre de l’élan avec des crampons peut se révéler un peu technique…
Si jamais le pont de neige paraît vraiment instable et que la crevasse est trop large pour sauter, tirez une longueur (donc faites un ancrage avec le piolet, broches ou autre …) et préparez-vous à écarter les bras en cas de chute. Il y a une chance pour que cela vous empêche de passer à travers.
Vous pouvez même ramper à quatre pattes ou à plat ventre sur le pont de neige pour répartir la charge sur une surface plus grande et donc limiter les risques que ce-dernier craque.
A ski
A ski, le risque est plus limité car vous répartissez votre poids sur une surface plus grande et vous sollicitez donc moins les endroits fragiles. Ce qui ne veut pas dire que vous ne devez pas être encordé à la montée bien sûr !
Et les risques restent bien présents à la descente comme en témoigne cette vidéo :
Attention aux chutes de neige
Évidemment plus il neige et moins les crevasses sont visibles donc soyez prudent quand vous voyez un glacier bien lisse sans crevasses apparentes.
Les chutes de neiges peuvent aussi combler les affaissements et rendre les indices de crevasses invisibles.
Et vous, avez-vous d’autres techniques pour repérer les crevasses et les éviter ? Dites-le en commentaire 😉
Sources:
1L’alpinisme des premiers pas aux grandes ascensions p.88
2Le Guide de la Montagne p.517
3Le Guide de la Montagne p.363
https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007%2F3-540-31060-6_74
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crevasse_glaciaire
http://www.chamonixskiguide.com/fr/s%C3%A9curit%C3%A9_pr%C3%A9vention_vall%C3%A9e_blanche_chamonix_ski_guide_haute_montagne
https://fr.wikipedia.org/wiki/Glacier
https://asf.alaska.edu/information/glacier-power/glacier-power-what-are-crevasses/
Thomas Minot
Auteur et créateur du blog que vous êtes en train de lire et de la chaîne Youtube du même nom, je vous fait partager mon expérience à travers articles, vidéos et photos. J’ai créé ici ce que j’aurais aimé avoir quand j’ai débuté l’alpinisme. Passionné par tout ce qui touche à la montagne, je parcoure celle-ci piolets à la main, ski au pied et parfois même sous mon parapente.
One thought on “5 manières de détecter une crevasse sur un glacier”
Pour ceux qui sont en solo : l’utilisation de perches pour auto-assurage sur glacier.
Il s’agit de deux tube en aluminium attachés à la taille (poids : 8 kg, longueur : 6 m)
– déjà utilisé par : Naomi Uemura, Charlie porter, John Krakauer, Lonnie Dupre, Dave Johnston, Dave Staehli, Lonnie Dupre :
– principalement à Everest et Denali.