Le Mont Aiguille : objectif 1/7 réalisé !
J’ai récemment réalisé un des 7 sommets mythiques que je m’étais fixé en objectif à la création de ce blog : le Mont Aiguille ! Si vous ne vous rappelez pas des sommets que j’avais choisi de gravir cette année, vous pouvez (re)lire cet article 😉 . Nous avons choisi de passer par la voie normale car les autres voies intéressantes (notamment la Tour des Gémeaux) n’étaient pas très bien protégées (peu de spits ou vieux) et nous n’avions pas envie de nous mettre en difficulté. Vous pouvez voir le topo de la voie normale ici. C’est une course/grande voie peu difficile car ne dépassant pas le 3c/4a en niveau d’escalade et relativement bien équipée. Des énormes broches parcourent le rocher et il est nécessaire de prendre des mousquetons à ouverture très large ou des sangles.
Compte rendu
L’approche et un peu d’histoire
C’est une course magnifique ! Le Mont Aiguille sort de terre comme une énorme molaire et de loin, il est difficile de se dire que l’on va grimper un tel rocher. L’approche dans la forêt est à elle seule une petite randonnée très agréable. Les feuilles mortes de l’automne, nous avaient concocté un tapi moelleux sur lequel nous progressions sans bruit. Nous passons quelques ruisseaux et nous élevons au dessus du massif du Vercors. Le Grand Veymont, le sommet le plus élevé du Vercors, nous faisait face majestueusement. Nous atteignons un pierrier annonçant les prémices de notre escalade. Une fois le pierrier traversé, et après avoir fait copain copain avec un bouquetin pas le moins du monde apeuré par notre présence, nous nous équipons au pied de « la montagne inaccessible » comme elle fut longtemps appelée.
Nous entamons la montée en discutant de la première ascension réalisée le 26 juin 1492 par Antoine de Ville. Cette montagne alimentait tous les mythes à l’époque du Moyen-Âge. Son “jardin suspendu” serait peuplé de fées et d’animaux fabuleux. Ainsi en hivers, le sommet se couvrirait de linges blancs étendus sur la prairie par des fées et non pas de vulgaires névés comme nous pourrions le penser. Mais lorsqu’Antoine de Ville atteindra le sommet en 6 jours, à l’aide d’échelles et en adoptant la technique de prise d’assaut des citadelles médiévales, le mythe se brisera et la montagne sacrée perdra de son mystère mais deviendra ainsi le berceau de l’alpinisme.
L’ascension
Etant donc très heureux de disposer de cordes dynamiques et de baudrier capable de supporter notre poids (à l’inverse d’Antoine), nous patientons un peu derrière les quelques autres grimpeurs venus se confronter à ce sommet mythique. Soudain nous entendons un bruit sourd qui aurait pu s’apparenter à un avion ou un hélicoptère. Puis, levant la tête j’aperçois une pluie de pierres grosses comme le poing, s’abattant à quelques mètres de notre cordée. Je lance le cri d’alerte « PIERRES !!!! » et je veille à ne pas me faire assommer par l’une d’entre elles. Eh oui ! Le Mont Aiguille, ça parpine ! Probablement des bouquetins qui ont déclenché cette petite avalanche. Veillez donc bien à vous équiper d’un casque adapté à l’escalade et l’alpinisme ! Il faut presser le pas pour ne pas rester dans le sillage des éboulements.
Nous atteignons le fameux câble très épais mais effiloché à certains endroits. Nous passons une brèche avec deux mètres de désescalade sur un rocher bien patiné. L’ascension se poursuit dans un large couloir, surplombé d’une vire prolongée d’une belle terrasse.
Nous passons ensuite sous un surplomb. Le passage est l’un des pas un peu délicats si on n’utilise pas le câble et si le sac est un peu trop gros. La vire qui s’ensuit est suffisamment large pour marcher bien qu’un peu aérienne. Nous nous lançons ensuite dans la cheminée finale. C’est le passage en 3c qui est facile, mais vu les points de protection, il vaut mieux ne pas tomber.
Suite à cette ascension sans grosse difficulté, nous atteignons enfin le plateau sommital ! L’arrivée est splendide avec la vue sur le Vercors et le calme qui règne au sommet. Nous avons l’impression d’être des privilégiés de pouvoir atteindre ce lieu si longtemps convoité par les hommes. Le plateau a quelque chose de magique. Nous le savons reposer sur une muraille de calcaire et son isolement est apaisant. Nous apprécions donc notre repas et une petite sieste au soleil suivie d’une marche pieds nus jusqu’au « vrai » sommet atteignable par un chemin de randonnée.
Malgré l’unicité du lieu, certains irrespectueux ont laissé là leurs déchets, violant la pureté de l’endroit. Il faut en effet savoir que le Mont Aiguille est protégé par des règles précises que vous pouvez retrouver ici. Il faut noter entre autres, qu’il faut redescendre tous les déchets (excréments compris), bivouaquer entre le coucher et le lever du soleil et de manière générale faire preuve de respect et de bon sens envers la réserve naturelle et envers les autres personnes pour qui cette ascension est un moment très particulier.
La descente
Elle aura été plus délicate à trouver que la montée. Le premier rappel sert de mise en jambe au second qui est pendulaire sur la fin et surtout très long (45m). Tout ce que j’aime !
Le soleil commence à disparaître derrière le Grand Veymont quand nous attaquons les derniers mètres de désescalade facile.
Nous empruntons la forêt de l’aller qui s’assombrit peu à peu et nous atteignons la voiture après une descente dont nous avions sous-estimé la durée.
Bilan pratique
Conditions et équipement de la voie
Le rocher n’est globalement pas très bon. Les prises tiennent bien mais de nombreuses pierres ne demandent qu’à être poussées pour vous tomber dessus. Vigilance donc quand vous êtes en bas pour ne pas vous prendre des cailloux sur la tête et quand vous êtes en haut pour ne pas en balancer sur les autres grimpeurs.
L’équipement est acceptable mais souvent vieux. Les énormes broches dans la roche tiennent bien pour la plupart mais veillez à prendre des mousquetons à ouverture large ou des sangles car les mousquetons classiques ne passent pas. Le câble semble tenir même s’il est bien effiloché à de nombreux endroits. Vu la taille, il en faudra cependant beaucoup pour le décrocher, vous pouvez donc vous assurer dessus sans trop de risques.
Voir la mise à jour en fin d’article pour la qualité de l’équipement.
Il y a souvent beaucoup de monde, attendez vous donc à « bouchonner ». Essayez d’y aller un jour en semaine si vous ne souhaitez pas faire la queue dans les passages un peu compliqués. Il est cependant possible de doubler facilement les autres cordées grâce à la largeur du chemin.
Technique
Points d’assurage : Pas de difficultés techniques. Avec le câble il est rare de devoir poser des coinceurs ou des becquets. Sachez cependant le faire au cas où vous souhaiteriez être plus assurés. Les points sont parfois un peu espacés et dans ce cas la pose de becquets ou de coinceurs pourra être rassurante.
L’ascension : Le niveau d’escalade est très abordable même s’il vaut mieux avoir de la marge pour être à l’aise. Pour information je grimpe du 5C à vue (c’est-à-dire sans avoir travaillé la voie avant) et je n’ai pas été en difficulté. Attention cependant à la descente dans le pierrier qui peut être assez instable et dangereux pour les gens en dessous.
La descente : Le rappel est assez impressionnant car long et en partie pendulaire mais les relais sont de bonne qualité. Cela paraîtra évident pour certains, mais sachez donc faire un autobloquant sur anneau de cordelette et tirer un rappel (c’est la base). La désescalade est facile mais restez vigilant jusqu’à la fin de la course ! C’est dans la descente qu’arrivent les accidents !
Les chaussures : Nous avons fait la course en chaussons d’escalade pour être vraiment à l’aise mais il est largement possible de la faire en grosses (i.e. : en chaussures de rando ou d’alpinisme). Les chaussures de rando me paraissent tout de même un peu trop souples et grossières pour passer les passages délicats et vous serez plus à l’aise en chaussures d’alpinisme avec une pointe précise ou carrément en chaussons.
Bilan de la course
Le Mont Aiguille est une course rocheuse à faire absolument ! C’est une montagne mythique par sa forme et par son histoire. L’arrivée au sommet est inoubliable et la vue est splendide. De plus, l’ascension est globalement très abordable pour qui sait poser quelques points d’assurage et grimper un minimum. Elle pourra être très bien en course d’initiation. Attention cependant, il s’agit d’une course vertigineuse par endroit et qui reste dangereuse car certains passages sont un peu exposés. Soyez donc vigilants.
MISE A JOUR 2020 : la voie normale du Mont Aiguille
bénéficie depuis 2019 d’un équipement neuf dont la réalisation a
été supervisée par le Parc du Vercors, la FFME, la FFCAM et le bureau des guides. Plus de soucis donc, concernant l’équipement en place 😉
Thomas Minot
Auteur et créateur du blog que vous êtes en train de lire et de la chaîne Youtube du même nom, je vous fait partager mon expérience à travers articles, vidéos et photos. J’ai créé ici ce que j’aurais aimé avoir quand j’ai débuté l’alpinisme. Passionné par tout ce qui touche à la montagne, je parcoure celle-ci piolets à la main, ski au pied et parfois même sous mon parapente.
10 réflexions sur « Le Mont Aiguille : objectif 1/7 réalisé ! »
Bonjour Thomas
un petit rafraichissement pour les lecteurs à venir 🙂
L’équipement historique (1930) de la voie normale a été remplacé à neuf en 2019.
https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/le-mont-aiguille-se-refait-une-sante-cette-semaine-1560936010
Je l’ai testé ce mois d’août 2020 par belle météo, zéro souci.!
Jolie variante de début de descente via la pointe sud : suivre le sentier descendant le plateau puis qq lacets puis 2 ressauts de désescalade en 3 puis prendre la vire plein nord qui passe par un superbe arche naturel puis rejoint le couloir pierrier qui mène au 1er rappel de 30m.
Malgré la relative facilité technique de cette voie de 250m (maxi 4), cela reste un superbe sommet à gravir en mode alpin (avec sac + sans chaussons); par ex pour tester la bonne entente de ses chaussures d’approche ou d’alpi avec ses pieds en rando puis rocher); la bonne entente entre coéquipiers avant de viser une grande voie plus technique ou engagée; l’effet d’un sac de qq kg sur le dos, du vent du nord sur les doigts; etc …
Bonjour Hugo,
Merci pour ton commentaire qui permet de garder l’article à jour ! Du coup j’ai modifié un petit paragraphe concernant l’équipement.
C’est clair que c’est une superbe course d’initiation 🙂
A bientôt
Cette course présente une certaine verticalité, donc un petit entrainement en falaise avant et oui chute de pierre
Bonjour Renault,
Oui tout à fait, c’est loin d’être une randonnée, c’est pourquoi il faut s’initier à l’escalade en falaise au préalable.
A bientôt !
attention cette voie est en face nord la petite laine est recommandée course longue ne pas trop musarder au sommet si vous voulez le retour nocturne en foret pas tres sympa mais course pas
recommandée a des gens peu a l aise en terrain montagnard il faut le pied « marin »
Merci Chevanne pour votre commentaire !
C’est vrai que nous n’avons pas beaucoup vu le soleil (à part au sommet) et si la course est réalisée en automne ou au printemps, il faut se couvrir !
Il faut aussi effectivement être un peu accoutumé au vide, mais rien de bien méchant si vous avez déjà fait des randonnées un peu vertigineuses et de l’escalade 😉
Toujours avoir une frontale « au cas où » dans son sac 😉
A bientôt !
excellent cette description mais il ne faut pas oublier que la difficultée d une voie ne se limite pas au niveau de technique escalade d autant plus que la génération actuelle est beaucoup plus a l aise en escalade que les « anciens » mais cela ne donne que une indication insufisante car elle se déroule sur un terrain montagne, qu elle est longue et cotée par des grimpeurs expérimentées donc peu difficile pour des alpinistes pratiquants mais attention a cet aspect c est en particulier e probléme du mont blanc
Superbe course! A quand le prochain sommet?
Un autre article est en cours d’écriture concernant le suivant, et je peux t’assurer qu’il est au moins aussi beau 😉 … Le suspens est à son comble !