Comment s’encorder sur glacier en alpinisme ?
Ah, l’encordement en alpinisme… prise de risque maximum, nous entrons au cœur d’un puits de débats infinis !
A l’image de (presque) toutes les pratiques de haute montagne, il existe mille façons de faire, de défaire, d’évoluer, de choisir.
→ Il y a le choix de vous expliquer toutes les techniques possibles et inimaginables d’encordement, mais vous risquez de vous y perdre.
→ On peut aussi ne vous montrer qu’un point de vue personnel, une seule technique, et vous risquez de ne pas être capable de vous adapter si la situation évolue.
Alors, il nous reste heureusement la possibilité de faire un mix de tout ça, et de prendre le point de vue d’un guide, professionnel et qualifié… le mieux placé pour vous indiquer quoi faire !
⚠ Je vous recommande vivement de compléter votre lecture, si vous le pouvez, avec la vidéo ci-dessous. En effet, il existe des techniques qu’il est difficile d’imaginer seul, et avoir un visuel est précieux.
I/ Pourquoi s’encorder ?
Dans l’univers de la haute montagne, on s’encorde très souvent.
→ Soit car la pente est forte, et le principal risque est la glissade ou “dévissage” comme on dit dans le milieu (et l’entraînement de notre corps tout en bas de la vallée, ce qui peut être potentiellement douloureux)
→ Soit lorsqu’on se trouve sur un glacier, ponctué de crevasses, dans lesquelles nous pouvons chuter (et on est sur le même principe au niveau douleur/mortalité)
L’encordement, c’est ce qui permet à notre compagnon de cordée de nous retenir et ainsi enrayer une potentielle chute. La corde est dans la plupart des cas gage de sécurité en alpinisme. Ici, nous allons uniquement nous concentrer autour de l’encordement sur glacier.
Vous avez peut-être déjà aperçu des alpinistes évoluant sur une pente de neige très raide sans corde. Il peut arriver parfois, d’un commun accord, qu’une cordée décide de ranger la corde dans le sac. En effet, dans un couloir extrêmement raide, si celui du haut chute, il pourrait entraîner le second avec lui. Ce choix est réservé à des pratiquants expérimentés qui connaissent la haute montagne. Pour plus de détails, cette vidéo vous en parle un peu plus longuement.
II/ Le matériel d’encordement
Voici une liste (parmi d’autres) de matériel nécessaire lorsque vous évoluez sur glacier :
- Un baudrier, une corde, un casque, une paire de crampons et un piolet : la BASE de toutes vos sorties en neige/glace/mixte.
- Une poulie traction (elle ne coulisse que dans un seul sens, et servira à faire un mouflage = cliquez-ici pour savoir de quoi il s’agit)
- Un autobloquant mécanique ou en cordelette (toujours pour le mouflage)
- Deux broches à glace (pensez à retirer les protections une fois que vous évoluez sur le glacier, cela peut vous faire gagner du temps et de l’énergie si vous venez à les utiliser rapidement)
- Deux sangles 120cm
- Un bout de cordelette relié par le nœud de votre choix (diamètre à définir en fonction de la corde que vous utilisez, mais généralement le 6-7 mm est passe-partout)
- Un mousqueton unidirectionnel OU deux mousquetons à vis positionnés en quinconce, sur le pontet de votre baudrier
Pensez à répartir équitablement le poids du matériel sur votre baudrier, ça vous évitera de marcher comme un mec bourré !
III/ L’encordement et l’évolution sur glacier
a) Comment s’encorder ?
Pour faire les nœuds et manips dont on va parler et qui sont utiles à l’encordement sur glacier, je vous mets ici des liens de tutos YouTube pour vous apprendre 2-3 trucs :
Nœud de huit (Grimpe à vue)
Queue de vache (Escalade Site)
Les nœuds autobloquants (Point de chute)
Cabestan (Dimitri Tislenkoff)
→ Lorsque l’on s’encorde à deux, la première étape est que chacun s’encorde à une extrémité de la corde à l’aide d’un nœud de huit que l’on accroche au pontet du baudrier. Si vous avez des cordes à doubles, il faudra donc accrocher les deux cordes sur le pontet toujours grâce au nœud de huit.
→ Si on s’encorde à 3 ou plus, l’encordement sera différent pour la personne du milieu.
b) La potence fixe ou mobile
On peut alors décider de rajouter un nœud supplémentaire à la personne du milieu : la potence mobile ou la potence fixe.
- Pour une potence fixe, la personne du milieu commence par faire une grande queue de vache (donc nœud simple) avec une boucle d’environ 40 cm (pas trop long pour ne pas marcher dessus et pas trop court pour laisser la place de faire un nœud).
- Cette potence servira à la personne encordée, en cas de tirage, de ne pas être happée directement mais que la pression s’effectue d’abord sur la potence. Cela lui laisse une marge afin de ne pas perdre l’équilibre.
- Puis on place un mousqueton directionnel sur l’anneau central du baudrier (ou anneau d’assurage) ou deux mousquetons à vis dont chaque doigt est d’un côté opposé. Attention si le risque de chute devient plus important par exemple sur une arête de rocher après le glacier, il faudra changer l’encordement et supprimer l’intermédiaire que constitue le mousqueton pour s’encorder directement sur le baudrier. On pourra dans ce cas utiliser un nœud de chaise ou un nœud de pêcheur double.
- On s’encorde sur ce(s) mousqueton(s) à l’aide d’un nœud. Le plus simple et le plus utilisé aujourd’hui est la queue de vache (sur la photo le guide utilise un cabestan mais attention, ce dernier peut être compliqué à desserrer en cas de forte tension).
- Pour la potence mobile, on a besoin d’une cordelette qui va nous servir à confectionner un machard (ou un prussik) = nœud que l’on fait coulisser le long de la corde mais qui est auto-bloquant.
(⚠ Attention : n’utilisez jamais de dyneema pour faire un machard)
- L’avantage de la potence mobile, c’est qu’elle permet (en cas de passage de crevasse par exemple) à la personne de coulisser le long de la corde.
c) Longueur de corde et anneaux de buste
En alpinisme, on peut s’encorder court ou long.
→ Sur un glacier peu pentu voire plat, où le plus grand risque est la chute en crevasse, on privilégiera l’encordement long : au minimum une douzaine de mètres
→ Sur une pente raide, où le risque principal devient la glissade, on optera pour un encordement court : environ un à deux mètres
→ Et sur un terrain qui a les deux caractéristiques, c’est-à-dire où le risque de chute en crevasse est aussi important que le risque de glissade (par exemple sur des glaciers raides ou lors du passage d’une rimaye) eh bien… il faudra choisir !
Dans tous les cas, l’encordement en montagne doit à tout prix se faire en corde tendue. C’est la condition sine qua non pour évoluer. Si la corde n’est pas tendue, la victime aura le temps durant sa chute d’emmagasiner beaucoup d’énergie et sera donc beaucoup plus difficile à retenir. Une corde qui traîne par terre est une corde qui perd son utilité : à savoir, sa capacité à enrayer une chute et donc un potentiel accident.
Si vous avez peur d’oublier, je vous conseille d’imprimer “corde tendue” sur une feuille et de l’accrocher au-dessus de votre lit, entre votre poster de dauphin et celui de la Star Ac’ (on ne juge personne).
→ Souvent, et plus particulièrement lorsqu’on s’encorde court, il reste quelques mètres de corde qu’il faut éviter de laisser traîner. Pour parer à ça, on va faire ce qu’on appelle des anneaux de buste : on va enrouler la corde autour du buste (personne ne s’est foulé pour trouver le nom, je vous l’accorde) et avoir ainsi une réserve de corde.
Pour la technique de réalisation de vos anneaux, je vous conseille vraiment de vous référer à la vidéo en question (que je vous remets ici, pour les flemmards qui ne voudront pas remonter en haut de la page), car il est difficile d’expliquer comment faire des anneaux de buste sans visuel.
Anneaux de bustes verrouillés ensemble ou non
Là encore, une fois les anneaux faits, il y a deux écoles : verrouiller les anneaux de buste ensemble ou non. La tendance aujourd’hui est de ne pas les verrouiller ensemble sur glacier mais plutôt sur rocher.
Attention quand je dis « verrouiller ensemble » je parle de solidariser les boucles des anneaux ensemble par un nœud. Mais dans tous les cas les anneaux devront être « verrouillés » sur le baudrier à la fin par un nœud.
→ Lorsque vous ne les verrouillez pas ensemble: avec le brin de corde, vous vous encordez directement au mousqueton directionnel grâce à une queue de vache. Ce nœud permet, en cas de chute de votre compagnon, de prendre la charge sans vous étrangler avec les anneaux.
→ Lorsque vous les verrouillez ensemble : vous prenez la corde que vous venez passer entre vos anneaux et votre torse, puis vous la passez (ou pas) dans l’anneau central du baudrier. L’avantage de ne pas passer dans l’anneau central c’est que vos anneaux seront verrouillés ensemble mais ils ne gêneront pas la mobilisation de ces anneaux en cas de sauvetage en crevasse et donc de forte tension sur le baudrier. Ensuite, soit vous faites un nœud de chaise soit un nœud simple avant de l’accrocher à nouveau à l’anneau central du baudrier grâce à un mousqueton directionnel.
Je vous glisse ci-dessous ma vidéo sur comment verrouiller ses anneaux de buste !
- L’avantage de verrouiller vos anneaux : ils resteront bien en place, ne se baladeront pas partout, même si vous retirez votre sac à dos.
- L’inconvénient, c’est que c’est une manipulation supplémentaire si vous devez modifier votre encordement (ce qui arrive souvent).
Sur glacier de manière générale, on évitera de verrouiller les anneaux de bustes ; ou bien, on les verrouillera sans passer la corde dans le pontet et sans accrocher la boucle qui verrouille les anneaux au pontet. De cette façon, en cas de chute en crevasse, les anneaux sont facilement mobilisables.
La taille des anneaux de buste
Vous pouvez faire des boucles plutôt courtes donc qui arrivent presque sous l’aisselle. Ou plutôt longue, qui arrive vers votre taille.
Anneaux court :
Avantages :
- Ils bougeront un peu moins
Inconvénients :
- Il faudra en faire plus
- Ils seront plus serrés donc potentiellement moins agréable à porter
Anneaux longs
Avantages :
- Il faudra en faire moins
- Ils peuvent être bloqués ensemble et la boucle de serrage peut être attachée à un porte matériel du baudrier (attention il faudra comme toujours un nœud intermédiaire entre la corde et vos anneaux donc les bloquer sur le baudrier. Ici on parle juste du nœud qui sert à les solidariser donc pas d’influence sur la sécurité).
Inconvénients :
- Ils seront plus susceptibles de bouger, se desserrer s’ils ne sont pas solidarisés ensemble
En conclusion
Dans presque chaque situation, il existe plusieurs méthodes qui peuvent se défendre. A vous de choisir celle qui vous convient le mieux en fonction de vos priorités et si vous êtes à l’aise ou non.
Le plus important en alpinisme n’est pas de connaître des centaines de nœuds et de manips sur le bout des doigts : c’est de choisir les deux/trois manières de faire essentielles. Ainsi, vous pourrez les appliquer dans 90% des situations sans vous mettre en danger.
Rien de plus dangereux que de s’éparpiller : c’est le meilleur moyen de faire des bêtises et des oublis !
Lorsque votre pratique évoluera et à mesure que vous gagnerez en expérience, vous deviendrez plus à même de faire évoluer vos techniques, et de les adapter aux situations très spécifiques que vous rencontrez 😉
En attendant, si vous vous demandez comment vous organiser pour réussir votre première course d’alpinisme sans guide, vous pouvez toujours jeter un coup d’œil ici !
Moi c’est Morgane, et je suis persuadée qu’on peut amener la paix dans le monde grâce à deux choses : la montagne et le fromage. Sinon, j’aime écrire, grimper et traquer les chamois (juste pour les voir de plus près, hein !)