Pourquoi vous devriez arrêter de jeter votre corde pour descendre en rappel
« COOOOOORDE ! » C’est normalement ce que vous entendez quand vous passez à proximité de grimpeurs qui se préparent à descendre en rappel et qui vont jeter leur corde. Mais pourquoi jetons-nous la corde ? Est-ce vraiment la meilleure manière de descendre en rappel ou est-ce simplement une mauvaise habitude qui a la vie dure ? Voyons ensemble pourquoi jeter la corde peut être une très mauvaise idée et pourquoi vous devriez utiliser la « technique des oreilles de cocker ».
À quel moment jette-t-on la corde pour descendre en rappel ?
Pour descendre en rappel, quelques étapes (plutôt incontournables) sont à effectuer avant de s’occuper de jeter la corde (ou non).
Les voici pour mieux situer les conseils qui vont suivre :
- Se longer au relais. Cela vous permet de faire les manipulations en sécurité.
- Installer la corde dans le relais. Vous pouvez soit relier 2 brins par un nœud, soit mettre le milieu de la corde au niveau de l’anneau du relais.
- Installer l’autobloquant. Ce système permet de vous retenir si vous devez lâcher vos mains pendant la descente.
- Installer le descendeur. Grâce à l’autobloquant, reprenez du mou (c’est-à-dire de la corde) et passez les brins dans le descendeur puis dans le mousqueton.
- Récupérer le mou entre le descendeur et le relais. Ainsi, à ce stade, vous êtes retenu par votre descendeur, et votre longe (celle de l’étape 1) reliée directement au relais peut être retirée.
Source des images : Petzl
Si vous avez besoin de plus de détails, vous pouvez voir ou re-voir la vidéo tournée avec les Guides des Ecrins sur le sujet.
Maintenant que vous avez fait tout cela se pose la question de la corde. Elle est bien passée dans le relais, mais vous avez potentiellement 50 mètres, ou même 2 x 60 mètres de corde dans les mains. Ça fait un sacré paquet de nouilles à gérer. Ce qu’on voit le plus souvent dans les voies (surtout en escalade), c’est de lover les brins séparément, de jeter un rapide coup d’œil au bas de la paroi, de crier « CORDE ! » tout en jetant un brin puis l’autre. L’idée n’est pas bête, c’est une des manières de faire, mais ça devrait plus être l’exception que la règle.
Jeter la corde : pourquoi est-ce une mauvaise idée ?
Deux problèmes majeurs se posent :
- En jetant votre corde, vous risquez de faire tomber des pierres. S’il y a des personnes en dessous, c’est très dangereux. Il peut y avoir des grimpeurs dans la voie mais aussi des randonneurs en contrebas. Ce n’est pas un cas isolé et dans les secteurs fréquentés, j’ai vu plusieurs fois des grimpeurs balancer leur corde alors que nous étions juste dessous. Il est souvent difficile de savoir s’il y a quelqu’un en dessous, et en cas de doute, il n’y a pas de doute : on s’abstient !
- En jetant votre corde, vous risquez de la coincer. Cela est d’autant plus vrai en alpinisme. En effet, en haute montagne, sous l’effet du vent, la corde peut facilement aller se coincer plus loin. Par ailleurs, à moins de descendre en rappel dans la voie que vous venez de monter, vous ne savez pas ce qu’il y a sous vos pieds et certains terrains sont de vrais coince-cordes (larges fissures, végétation…).
Alors existe-t-il des situations qui permettent de jeter sa corde ?
Oui, mais ces cas sont rares. C’est pourquoi jeter votre corde pour descendre en rappel devrait plus être l’exception que la règle.
Voici quelques exemples :
- En cascade de glace. Il y a peu de chance de coincer votre corde sur de la glace. Donc, si vous êtes sûr d’être seul, jeter la corde est possible. Attention cependant à ne pas vous retrouver à marcher dessus avec vos crampons.
- Une belle dalle bien lisse. Même principe, peu de chance ici de coincer votre corde sur ce type de terrain. Donc, s’il n’y a pas de vent et personne dessous, c’est l’occasion de jeter votre corde.
Le maître mot, c’est de comprendre pourquoi on peut jeter la corde et pourquoi on ne peut pas. Si vous comprenez, vous pouvez vous adapter. En alpinisme, il n’y a pas de solution toute faite. Ainsi, faire quelque chose sans savoir pourquoi est souvent source d’erreur.
Mais alors, comment faire si on ne jette pas la corde pour descendre en rappel ?
Je vous conseille d’utiliser la technique des « oreilles de cockers », cela vous permet de descendre en même temps que votre ou vos cordes. Pour cela :
- Lovez chaque brin séparément en oreille de cocker. Il faudra les lover sur vos épaules, assez court (plus court que pour ranger sa corde).
- Puis installez chaque brin lové dans une dégaine longue que vous accrochez au bas de la bretelle de votre sac.
- Pensez à mettre le dessus de la corde vers vous pour la sortir facilement.
- Puis descendez en rappel comme d’habitude, mais en déroulant votre corde en même temps que vous descendez.
Chaque membre de la cordée love un brin et l’installe sur une dégaine. Cette manipulation ne prend pas beaucoup plus de temps que de jeter la corde (dans les 2 cas il faut lover la corde…), mais elle peut vous faire gagner un temps précieux par la suite. Pour réussir votre descente en rappel, le maître mot est l’organisation ! Cette technique va dans ce sens…
Puis-je faire un nœud en bout de corde ?
Oui ! Et c’est un des avantages supplémentaires de la technique des « oreilles de cocker » ! Vous pourrez faire des nœuds en bout de corde sans risque de la coincer à cause des nœuds. Les nœuds en bout de corde sont une précaution plus que nécessaire, surtout :
- en cas de mauvaise visibilité, de fatigue…,
- si votre corde est trop courte pour atteindre le relais ou si vous avez mal égalisé vos deux brins de rappel (donc si l’un est plus court que l’autre). Dans ces situations sans nœud en bout de corde, le premier à descendre risque de s’écraser en bas.
Soyez très vigilant au moment de la descente en rappel. C’est une étape tristement dangereuse. Pour limiter les risques d’erreur, il faut comprendre l’utilité de chaque manipulation. Évitez à tout prix d’apprendre par cœur une marche à suivre. Cet article ne reprend qu’une petite partie des éléments à maîtriser pour descendre en rappel, continuez à vous former ! 😉
Auteur : Emilie Lechevalier
Néo-montagnarde, je me suis installée en Savoie en 2017 et j’y ai découvert l’alpinisme et le ski de randonnée.
Depuis, j’aime les cordées qui respectent les temps du topo, le gling-gling du matos qui pend au baudrier au départ d’une voie, les cordes lovées avec amour et les peaux de phoque qui collent juste ce qu’il faut…
Parmi mes plus beaux souvenirs de montagne, il y a : d’interminables bambées dans les Écrins, des grandes voies au-dessus de la mer à l’automne et de trop courtes journées de peuf entre copains.
Mais il y a aussi toutes ces heures passées à préparer des courses, à réviser des manips de corde dans mon salon et à discuter de la complexité du facteur humain.
C’est pourquoi, une fois le piolet rangé : le stylo prend le relais, pour partager des récits de voyage à la verticale mais aussi des conseils pour progresser.
C’est ainsi que je suis devenue rédactrice spécialisée dans les sports de montagne et auteure du Carnet Montagne.
Retrouvez mes courses en montagne sur le compte Instagram @lesdirtbags
Et pour aller plus loin, c’est par ici : https://emilie-lechevalier.fr/
10 réflexions sur « Pourquoi vous devriez arrêter de jeter votre corde pour descendre en rappel »
Oui, et un noeud au bout de chaque brin. Parce que si on fait le noeud au bout du seul brin sur lequel se trouve aussi le noeud de jonction du rappel, en se croyant en sécurité en arrivant au noeud en bout de brin de rappel, on rappellera la corde et on tombera car l’autre brin sans noeud sortira du système d’assurage….
Bonjour Thomas,
Ne pas faire un nœud en bout de corde dans une manœuvre de rappel est une faute grave car il y a un risque d’accident mortel. Faire un nœud n’est donc pas une précaution selon moi mais bien une obligation, un process nécessaire et qui ne doit souffrir aucune exception. Tout comme vérifier son nœud d’encordement et vérifier attentivement l’équipement de son assureur avant d’attaquer une ascension. Tu es rédacteur et c’est une belle initiative de partager ta passion de la montagne avec une plume sympa et friendly. Mais tu t’adresses à des personnes qui pour la plupart ne connaissent absolument rien aux risques liés à l’escalade et à la haute montagne. Ta responsabilité est donc d’être le plus clair et précis possible dans tes propos et donc d’utiliser la sémantique appropriée pour bien faire comprendre à tes lecteurs les causes réelles d’accidents mortels dans la pratique des sports de montagne à savoir : l’excès de confiance, l’inattention, etc. Ca pourrait faire un bon article? Bonne continuation pour ton projet.
Bonjour Pierre, je t’ai répondu à toi et à l’autre Pierre juste au dessus 🙂
Bonjour Thomas,
Un bout de corde sans nœud dans une manœuvre de rappel peut coûter le vie. Ca n est pas un principe de précaution, c est une obligation. Quand la vie est en jeu la sémantique est importante. Tu es rédacteur et tu t’adresse a des néophytes qui n ont aucune idée des dangers de ce sport. Je pense que la clarté des mots doit être a la hauteur du risque. Mais ça n est que mon avis. Bonne continuation
Bonjour Pierre et Pierre ;),
Je comprends vos points de vue et je pense que nous avons chacun à coeur qu’il n’y ait pas d’accident en montagne. Cependant le noeud en bout de corde n’est pas une obligation. Il est présent uniquement pour prévenir la chute en bout de corde si le pratiquant oublie qu’il arrive en bout de corde. Et à ce jour il n’existe pas de législation concernant la sécurité en montagne (à part peut être pour les guides). Comme souvent il n’y a pas de règles absolue mais des situations dans lesquelles certaines choses sont à faire … ou pas. Dans ce cas précis, un noeud en bout de corde est utile dans la majorité des cas sauf quand il y a risque de bloquer la corde à cause du vent par exemple. Il y a donc des règles générales et les exceptions qui vont avec.
Donc ma philosophie sur ce blog et aussi dans la vie, n’est pas d’inculquer une « obligation » (qui n’en est pas une) bêtement sans expliquer ce qu’il y a derrière. Mais bien d’expliquer les tenants et aboutissants. Ici nous bataillons sur un point de vocabulaire et le terme « précaution plus que nécessaire » me paraît largement adapté à la situation. Rappelons quand même comme dit dans un commentaire plus haut que le terme « plus que nécessaire » est déjà une lapalissade. Je vois donc mal comment on pourrait être plus précautionneux concernant la sécurité.
En tout cas merci pour vos commentaires qui viennent nourrir la réflexion. Même si nous ne sommes pas d’accord c’est toujours fructueux :).
C’est pas mal de donner des conseils. Je m’en permet un également, au bout d’une longe on utilise pas un hms mais un format B et pour faire une longe soit même on utilise une corde a simple et non pas une corde a double.. (tout est sur la photo)
Bonjour Thibault, merci pour ton commentaire. Je ne vois pas bien à quel moment Émilie donne le conseil de faire une longe avec une corde à double et de mettre un HMS dessus (surtout que ce n’est pas du tout le sujet de cet article). Mais je reste cependant d’accord avec toi.
Faire un nœud « précaution plus que nécessaire:
C’est plus qu’une précaution plus que nécessaire. C’est une faute grave de ne pas le faire.
Idem sur une moulinette.
J’ai quelques adresses d’amis au cimetière à partager pour ceux qui en douteraient.
J’ai du mal à voir ce que veut dire « plus qu’une précaution plus que nécessaire ». Il me semble que le terme « plus que nécessaire » est déjà une tautologie mais bon… soit.