Alpinisme à l’automne : est-ce possible malgré la pluie ?
En alpinisme, l’automne est ce qu’on appelle une « intersaison ». C’est encore trop tôt pour faire des courses hivernales ou du ski de randonnée, et c’est trop tard dans la saison pour faire des courses en haute montagne. L’arrivée du froid et de la pluie est un vrai casse-tête pour les alpinistes à la recherche d’une course à faire à l’automne. Pourtant, nombreux sont ceux qui n’ont pas très envie de passer leur week-end à user de la résine dans une salle d’escalade. Si vous aussi, vous voulez continuer à pratiquer l’alpinisme à l’automne, lisez cet article pour découvrir une sélection de courses.
Option n°1 : en profiter pour faire une course d’arête en moyenne montagne à l’automne
À partir de la fin du mois de septembre, aller en haute montagne est compliqué. Les premières chutes de neige rendent dangereuses les courses sur glacier. Par ailleurs, à cette saison, les créneaux de beaux temps sont beaucoup plus courts et les températures plus froides. Le rocher a donc du mal à sécher entre deux journées pluvieuses.
Si toutefois un créneau météo s’ouvre, la meilleure option pour pratiquer l’alpinisme à l’automne est certainement de faire une course d’arête en moyenne montagne (en dessous de 2 500 m d’altitude). Cela vous permettra de travailler la progression en corde tendue et l’assurage en mouvement dans du terrain facile. C’est un bon moyen de roder une cordée avant de s’attaquer à des courses plus longues en haute montagne.
Voici quelques courses très faciles de moyenne montagne :
- les dents de Lanfon : traversée classique des arêtes dans le massif des Bornes-Aravis ;
- le Gerbier : traversée des arêtes dans le massif du Vercors ;
- le pic du Pin : traversée de la Crête du Pin S → N en Belledonne (le topo CampToCamp fait peur car il est très long et donne énormément de détails, mais il suffit en réalité de suivre l’arête au plus facile) ;
- l’oreille du Loup : traversée des arêtes N → S dans le massif du Taillefer. Qui se fait aussi en hivernale, mais c’est une autre histoire, Thomas vous réserve une petite vidéo ;).
Pour ceux qui cherchent des courses d’arête un peu plus difficiles (toutefois très accessibles) en moyenne montagne, je vous conseille :
- le roc des Bœufs : arête S dans les Bauges. C’est une arête facile de 1 km, qui permet de pratiquer l’assurage en mouvement (sur une telle longueur, on voit vite si on traîne). La difficulté réside dans la longueur de 5c+ qui peut mériter une paire de chaussons dans le sac ;
- les dents du Loup : traversée des arêtes dans le massif de Belledonne. C’est une belle course pour pratiquer, car elles demandent pas mal de manips (alternance de longueurs / corde tendue, désescalade, rappel…). La partie grimpante est une longueur de 4b, raide mais avec des belles prises et qu’on protège avec des câblés ;
- le mont Aiguille dans le Vercors : les voies d’accès ne manquent pas, il y en a pour tous les niveaux. Vous pouvez d’ailleurs retrouver ici le récit de course rédigé par Thomas ;
- la Tournette : arête N du Varo ou Grand Bargy : voie du Temps dans le massif des Bornes – Aravis.
Ces courses sont proches de Grenoble, Annecy ou Chambéry. Elles sont faisables à la journée, malgré les jours qui raccourcissent à l’automne. Elles vous permettront de pratiquer et de vous créer des automatismes précieux en alpinisme. Le seul problème de ces itinéraires, c’est la surfréquentation, donc n’hésitez pas à partir tôt !
Option n°2 : aller faire du terrain d’aventure dans le sud de la France
Le terrain d’aventure (TA ou trad pour son petit nom) est constitué de voies d’escalade sans ou avec peu d’équipement en place. Cela implique de poser vous-même vos protections à l’aide de câblés, de coinceurs, de pitons ou de sangles. C’est un excellent moyen de progresser en alpinisme, car cela vous entraînera à poser des points. Cela vous aidera également à lire l’itinéraire (soyons honnêtes : lorsqu’il y a des spits, on va simplement suivre les points en place pour trouver son chemin).
La Sainte-Victoire
Attention les cotations y sont en général assez sévères et l’équipement est (à dessein) léger. Soyez donc humble au moment de choisir votre voie. Prenez une cotation bien en dessous de votre niveau de couenne.
Voici les voies que je vous conseille pour débuter :
- grotte de l’os et du Perroquet vert : les Moussaillons (AD+ 5a>4c I X2 P2 E3) ;
- croix de Provence : arête S intégrale (dites arête des Rois Mages) (AD+ 4c>4b II P3) ;
- Subéroque : arête des Trois Pointes (AD 4c>4c II P2+ E2).
Les calanques
Avec plus de 3 000 voies, vous aurez l’embarras du choix. Voici quelques itinéraires peu ou pas équipés de spits :
- calanque de l’Oule (Belvédère) : traversée des Écureuils (AD- 5b I P2) ;
- Marseilleveyre – vallon des Aiguilles : Arête blanche (AD+ 4c>4c I P2) ;
- calanque de Sugiton – la Candelle : corniches David (AD+ 5b+>5b III P2).
Pour rappel : si, dans le sud, on grimpe au soleil à l’automne, il faut cependant éviter de sortir les jours de grand vent à l’approche de l’hiver !
Option n°3 : faire une école d’artif (même sous la pluie)
Ce qu’on appelle l’artif ou l’escalade artificielle est un type d’escalade au cours duquel on ne grimpe pas en tirant ou poussant sur des prises (comme en escalade libre), mais en tirant ou poussant sur du matériel qu’on a soi-même posé sur la paroi. Vous allez, par exemple, poser un friend et y installer un étrier pour pousser avec votre jambe. En escalade artificielle, on avance de quelques dizaines de centimètres à chaque point et on est constamment pendu dans son baudrier sur les points qu’on a posés.
L’escalade artificielle est l’ancêtre de l’escalade libre. En effet, jusque dans les années 60, c’était la manière normale de pratiquer l’escalade. C’est l’amélioration du matériel et de la technique qui a permis à l’escalade libre (celle que vous pratiquez en salle ou en extérieur) de s’imposer petit à petit. Pratiquer l’artif, c’est revenir aux bases de l’alpinisme, et cela va accélérer votre progression !
En effet, en pratiquant l’artif vous apprendrez à :
- poser des points (friends, cablés, pitons…) et à tester immédiatement si votre point est bien mis (vous allez être pendu sur ce point et pousser dessus, donc s’il ne tient pas, vous le saurez immédiatement) ;
- poser et à utiliser des pédales (en alpinisme, il n’est pas rare « d’artifer » lorsqu’un pas est un peu difficile en libre).
Mais est-ce bien sécu d’aller se pendre sur des points qu’on a posés quand on débute ? Oui, sur les sites-écoles d’artif, car les voies sont semi-équipées. Cela signifie que vous pouvez clipper votre corde dans des dégaines posées sur des spits. Ainsi, votre assurage est complètement sécurisé et votre progression se fait sur les points que vous posez. Si votre point lâche, vous ne risquez pas de heurter le sol.
Voici donc deux falaises-écoles, idéales pour une initiation à l’artif et grimpables par tous les temps ! Ces falaises sont à l’abri de la pluie (et de toute façon vous ne poserez ni vos pieds ni vos mains sur le caillou…). Elles sont donc idéales pour progresser en alpinisme à l’automne :
- la falaise du Peney à 30 min de Chambéry et 1 h de Grenoble ;
- la falaise de Balme à 30 min de Chamonix et 40 min d’Annecy.
Option n°4 : faire du dry tooling
Le dry tooling c’est de la grimpe mais équipé de crampons et piolets techniques. Idéal pour se préparer à la saison de cascade de glace ou pour progresser en mixte quand il n’y a pas encore de neige, les sites de dry sont souvent abrités de la pluie. Vous n’aurez évidemment pas besoin de vos broches à glace. Le dry tooling possède ses propres cotations et son propre matériel donc renseignez vous un peu avant de vous pointer en bas des voies.
En pratiquant le dry tooling, vous apprendrez à :
- Faire confiance à vos crampons et vos piolets sur la roche
- Vous engager dans des parties très techniques avec votre équipement de cascade de glace tout en étant assuré par des protections sûres où la chute est sans danger
- Appréhender une nouvelle gestuelle et de nouveaux mouvements inconnus du grimpeur sur falaise
- Avoir des bras en béton ! Le dry tooling est en effet très physique avec souvent de gros dévers voire des toits.
Voici quelques sites pour pratiquer le dry tooling :
- Le site de Voreppe (à côté de Grenoble) : L’usine, est un des sites les plus connus au monde avec son toit de plus de 20m de long. Voies assez techniques cependant.
- Saint Saturnin à côté de Chambéry
- Quintal à 20 min d’Annecy
- Col de Tamié – Le sanglier : à 40 min d’Annecy et 30 min d’Albertville
Et si vous en voulez plus, je vous invite à faire un tour du côté d’Alpine Mag ou de Montagnes Mag qui ont écrit un article sur les sites de dry tooling des alpes.
Vous avez donc l’embarras du choix pour progresser en alpinisme à l’automne. Par ailleurs, l’alpinisme à l’automne permet de profiter des couleurs sépia qu’on ne trouve qu’à cette période de l’année et qui donneront à vos journées en montagne une ambiance unique.
Auteur : Emilie Lechevalier
Néo-montagnarde, je me suis installée en Savoie en 2017 et j’y ai découvert l’alpinisme et le ski de randonnée.
Depuis, j’aime les cordées qui respectent les temps du topo, le gling-gling du matos qui pend au baudrier au départ d’une voie, les cordes lovées avec amour et les peaux de phoque qui collent juste ce qu’il faut…
Parmi mes plus beaux souvenirs de montagne, il y a : d’interminables bambées dans les Écrins, des grandes voies au-dessus de la mer à l’automne et de trop courtes journées de peuf entre copains.
Mais il y a aussi toutes ces heures passées à préparer des courses, à réviser des manips de corde dans mon salon et à discuter de la complexité du facteur humain.
C’est pourquoi, une fois le piolet rangé : le stylo prend le relais, pour partager des récits de voyage à la verticale mais aussi des conseils pour progresser.
C’est ainsi que je suis devenue rédactrice spécialisée dans les sports de montagne et auteure du Carnet Montagne.
Retrouvez mes courses en montagne sur le compte Instagram @lesdirtbags
Et pour aller plus loin, c’est par ici : https://emilie-lechevalier.fr/
2 réflexions sur « Alpinisme à l’automne : est-ce possible malgré la pluie ? »
Article très sympa et bien structuré, merci 😉 Étant belge, je me demande toujours s’il n’existe quand même pas des spots intéressants (de basse altitude du coup) pour pratiquer solo. Bises
Merci pour Émilie, je lui ai transmis le commentaire ;). C’est une très bonne question à laquelle je n’ai pas de réponse… J’ai trouvé ça sur C2C : https://www.camptocamp.org/routes/1153572/fr/rocher-bayard-crete-des-4-fils-aymon-et-du-rocher-bayard. C’est pas en Belgique mais presque à la frontière. Si jamais tu trouves d’autres choses, hésite pas à me dire, ça m’intéresse aussi (tu n’es pas le seul belge parmi les lecteurs).